Tuel Laurent: Un jeu d’enfants

„Un jeu d’enfants“ de Laurent Tuel, qui raconte l’histoire d’une famille et de son autodestruction, laisse beaucoup de possibilités d’interprétation.

— Affiche —

Le remplissage des salles obscures, grâce à des produits estivaux hautement stériles – voire imbéciles – se reproduit anuellement. Cet été n’y fait pas exception. Il est donc recommandé de se tourner plutôt vers les, apparemment, „petits films“. Et dans nos parages cinématographiques, ceux-ci sont souvent français. Plutôt boudés, d’ailleurs, par un public las de se voir, soi-même et le monde, analysé à tort et à travers par des „auteurs“ auxquels il reproche un manque certain d’action. Les jeunes réalisateurs et réalisatrices français-es, bien qu’ils aspirent aussi à une certaine vision d’auteur, se montrent de plus en plus conscient-e-s de ce désir populaire. D’où une certaine renaissance de l’horreur et du fantastique dans le cinéma de France. Ça peut donner une promenade dans les bois en sitcom gonflée et gonflante, des rivières pourpres en thriller bien mené ou bien – on en passe – ce jeu d’enfants en film à suspense bien distillé.

Un appartement parisien en feu. Flash-back sur une famille gâtée, tout ce qu’il y a de normal, en apparence. Les parents sont un peu trop carriéristes et n’éduquent leurs enfants – petite fille, petit garçon – qu’accessoirement. Les enfants ont ainsi érigé leur propre jardin secret, représenté par une couverture posée en forme de tente sur des chaises. Juste eux deux savent ce qui se cache dans ce jardin, un secret dont la mère commencera à avoir peur. Cette dernière digère mal la perte d’un troisième bébé. Son passé dépressif aidera-t-il à la faire basculer dans la paranoïa et la folie? Mais pourquoi le mari se met-il alors, lui aussi, à avoir des hallucinations macabres? L’appartement serait-il hanté par un passé violent? Ou seraient-ce vraiment les deux petits chéris qui jetteraient des sorts à leurs parents? Un jeu d’enfants?

Le film vit de ces questions que Laurent Tuel pousse bien le public à se poser. Questions dont peu trouveront des réponses vraiment plausibles. Mais qu’à cela ne tienne, le réalisateur arrive à traiter la famille en sujet de son long-métrage, le filmant de manière bien plus convaincue et convainquante que son attirail surnaturel. Ces parents ne comprennent rien à leurs enfants. Le père souffre tellement du stress au bureau qu’il rêve de battre à mort un collègue de travail, s’automutilant lors du processus. La mère en a tellement marre de son rôle de mater familias qu’elle en a des visions: allongée sur la table de cuisine, elle se prostitue avec le premier „spécialiste“ en électroménager qui passe.

„Un jeu d’enfants“ reste assez troublant pour ne pas trancher catégoriquement entre la réalité et l’irréalité de ces situations hallucinantes. Et le „bonheur familial“ peut être le véritable danger.

On pense parfois même à „Shining“. Sauf que dans „Un jeu d’enfants“, ce ne sont que des murs et plafonds d’appartement qui semblent enfermer peu à peu des acteurs et actrices (Karin Viard et Charles Berling, parfait-e-s) et accentuer ainsi l’atmosphère de plus en plus étouffante.

Mais, finalement, Laurent Tuel tire trop facilement les ficelles surréalistes pour finir son film. Comme s’il avait perdu confiance, en cours de route, en sa thématique familiale. Il semble ainsi perdre de main un long-métrage, après avoir bien tenu le cap pendant trois quarts de route. Dommage, mais ça vaut toujours bien mieux que les „Scary Jurassic XV“ ambiants.


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