En mathématiques, deux fois moins font plus. John Herzfeld, réalisateur-scénariste de „15 minutes“, le nouveau film avec Robert De Niro, applique cette règle à l’acte de tuer: Exécuter de sang froid un meurtrier devient ainsi profondément juste.
L’idée de départ peut plaire: Afin de devenir riches et célèbres, des tueurs en série filment leurs exploits et les envoient à la télé, contre payement. Celle-ci règle la note et diffuse joyeusement un meurtre, sous prétexte, évidemment, du devoir d’information du public. Deux flics, joués par Robert De Niro et Edward Burns, s’occupent de l’affaire.
Une analyse critique des médias télévisés donc? Une sorte de „Ed TV“ ou de „Truman Show“ autour de tueurs en série? Que nenni. Le réalisateur et scénariste John Herzfeld n’est pas de ceux qui ont un propos original à ce sujet. Au contraire, il évite ce débat, ne sachant que montrer du doigt les méchants responsables de programme qui se soucient bien plus de l’audimat que des gens dont ils montrent les souffrances. Selon John Herzfeld ce n’est pas bien, pas bien du tout. Voilà pourquoi il donnera à son personnage principal l’occasion de frapper un journaliste particulièrement opportuniste en pleine tronche. Herzfeld rétablit ainsi la justice en apparence. Ce qu’il y a derrière ne l’intéressant guère.
Pendant tout le film, le réalisateur se cantonne ainsi aux réponses faciles et nous bombarde de clichés. (Même la citation de Warhol, qui donne le titre au film, est elle aussi devenue un cliché de nos jours.)
Exemple: Les criminels sont des clandestins d’Europe de l’Est. Un procédé dangereux à cause du racisme latent qui s’en dégage. Herzfeld essaye bien de désamorcer cette tendance en avançant que le personnage joué par Edward Burns a des origines à l’Est. Il l’appelle d’ailleurs Jordy Warsaw. Ce qui n’empêche pas ses tueurs d’être principalement des fanatiques bêtes et anarchistes.
Autre problème: Robert De Niro. L’acteur reprend ici un rôle de flic alcoolo, looser sympa, ce qui ne présente rien de bien neuf dans sa carrière. Il est néanmoins assez bon pour faire supporter la première moitié du film. Mais alors se produit l’erreur fatidique.
Pour expliquer ceci, il nous faudra dévoiler une action essentielle du film. Voilà pourquoi, ceux et celles qui veulent absolument voir „15 minutes“ feraient peut-être mieux d’arrêter de lire.
Cette critique essayant néanmoins de persuader que ce long-métrage ne vaut en aucun cas le détour, révélons donc ceci: Le personnage de Robert De Niro est tué au beau milieu du film.
Venger De Niro
Du coup, c’est à Edward Burns de porter „15 minutes“ sur ses frêles épaules. Mais Burns n’est qu’un acteur moyen. Une seule expression faciale pour exprimer sa rage – ce qu’il arrive, par-dessus tout, à faire le plus mécaniquement possible – ne suffit pas pour remplacer soudain De Niro dans l’esprit du public.
Cela dit, choisir De Niro pour une moitié de film seulement, n’est pas sans effet dans „15 minutes“. On tient à ce personnage, on ne veut surtout pas qu’il meure. Il est tué, le public veut donc qu’il soit vengé … ne serait-ce que parce qu’il est frustré d’être venu voir le „nouveau De Niro“ et de se retrouver sans l’acteur fétiche après moins d’une heure.
A partir de cette mort, le film dérape complètement et devient un pamphlet réactionnaire, qui réfute même le système judiciaire selon lequel un meurtrier atteint de troubles mentaux sera interné en milieu psychiatrique, plutôt que d’être exécuté en bon et due forme, comme il se doit en pays américain. Face à ce système juridique lacunaire, mieux vaut se faire justice soi-même. A Edward Burns donc de se mettre en route pour tuer les tueurs et accomplir ainsi une vengeance aveugle que le réalisateur John Herzfeld présente comme cathartique.
„15 minutes“ n’est donc qu’un gros navet défendant la philosophie biblique: „oeil pour oeil, dent pour dent“. Les méchants seront punis comme il se doit par le gentil, qui sortira grandi de cette expérience. Plutôt dégoûtant, non?