Après le référendum : Ignorance Is Bliss

Alors que le CSV rêve de refermer le clivage sociétal révélé par le référendum du 7 juin, la coalition préfère l’ignorer – une attitude peu surprenante, mais potentiellement dangereuse.

(© wikimedia)

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Même si le clivage entre « peuple » et « élites » qu’aiment propager les tenants du « 3 x Nee » au référendum n’est pas uniquement à mettre sur le compte de la coalition, il est toutefois clair que l’attitude du camp du oui n’a pas aidé à refréner les ardeurs de ses opposants. Tout au contraire, si la consultation du 7 juin a démontré une chose, c’est que le Luxembourg n’est définitivement pas immunisé contre une campagne populiste de droite, avec tous les relents xénophobes que celle-ci implique. Et il n’est pas étonnant de voir que, maintenant, après la claque monumentale qu’ils ont administrée au gouvernement et aux « élites », donc les syndicats, le patronat, les journalistes, les artistes et même l’archevêque, les nonistes extrêmes se sentent le vent en poupe.

Prétendre que 80 pour cent des électeurs luxembourgeois sont des racistes, c’est faux. Tout aussi faux que d’ignorer la part, encore inconnue, du vote xénophobe parmi les 80 pour cent.

Désormais, trois formations populistes se battent à droite du CSV pour mieux représenter le bon Luxembourgeois. Le « Sozialdemokratesch Vollékspartei » de l’ex-détenu Nico Castiglia, qui a déjà tenté de pêcher dans le réservoir des « Lëtzebuerger Patrioten » (woxx 1313 et 1317), s’est donné des statuts cette semaine – et semble aussi avoir attiré dans son giron un certain Francis Soumer, condamné récemment à six mois de prison avec sursis pour avoir menacé de mort la présidente et l’ex-président de l’Asti. En même temps, un « Lëtzebuerger Bierger Partei », fondé par le noniste virulent Daniel Rinck, a été à l’honneur de certains médias comme RTL. Et puis, il nous reste le bon vieil ADR pour parfaire le tout.

Toutes ces formations essayeront de canaliser les 80 pour cent d’électeurs qui ont voté non. Et les partis au pouvoir peuvent se féliciter d’avoir, de par leur campagne totalement improvisée et incohérente, galvanisé les troupes à l’extrême droite de l’échiquier politique. Ils ont aidé à libérer la parole haineuse, comme un Sarkozy l’a fait pour la France. La parole d’une droite « décomplexée » et populiste est arrivée dans le pays le plus multiculturel – par nécessité économique plus que par idéologie – d’Europe.

Et que font les pontes de la coalition ? Ils essayent de relativiser, de passer au point suivant de l’ordre du jour. Ce n’est probablement pas un hasard que référendum et présidence se succèdent à si peu de temps d’écart, ça aide à – faire – oublier le résultat. Prétendre que 80 pour cent des électeurs luxembourgeois sont des racistes, c’est faux. Tout aussi faux que d’ignorer la part, encore inconnue, du vote xénophobe parmi les 80 pour cent.

En tout cas, la bête immonde est lâchée à nouveau et rien ne sert de se cacher la tête dans le sable. Le gouvernement ferait mieux de prendre au sérieux les problèmes et complexes des personnes ayant voté non. Et d’adapter sa politique sociale pour ne plus donner l’impression qu’il privilégie la place financière et les « High Net Worth Individuals ». Il faudrait aussi avancer les bons arguments dans la lutte contre les préjugés, qui ont certainement aussi eu leur poids dans le résultat du référendum. Ce ne sont que quelques pistes pour retrouver un vrai vivre ensemble après le 7 juin.

Alors, au lieu d’ignorer le message, ou pire de faire des calculs politico-politiciens misant sur les fractures à droite du CSV – comme Mitterrand le faisait jadis avec le Front national -, une prise de responsabilité est nécessaire, tout comme un virage politique vers plus d’équité sociale. Car le Luxembourg, en tant que pays d’immigration un peu spécial, ne peut pas se permettre de se retrouver dans la situation française.


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