La comédie surprenante « The Death of Stalin », transposition d’une BD française éponyme, explore de façon satirique les arcanes du pouvoir soviétique et l’âme humaine en général.
Le 5 mars 1953 est une date pas comme les autres : le « petit père des peuples », comme se faisait appeler le tyran et meurtrier de masse soviétique Joseph Staline gît, mis à terre par un AVC, dans sa propre urine dans le bureau de sa datcha. Aucun des présents, ni les soldats qui gardent la porte, ni les membres du Politbureau accourus en toute hâte n’ose en un premier temps se prononcer sur l’évidence : le dictateur est mort.
Commence alors une âpre lutte pour le pouvoir dans un environnement mis en place par Staline même. Car dans le cercle du pouvoir suprême, le vieux paranoïaque n’avait pas assemblé les meilleurs éléments de l’URSS, mais des hommes dont il connaissait toutes les forces et faiblesses et qu’il manipula à son gré. Une fois la pression de se retrouver sur une de ses listes temporairement retombée, les passions se déchaînent entre ces hommes qui hésitent entre simplement survivre ou tendre leurs mains vers le pouvoir suprême. Le premier à se manifester est le sinistre Lavrenti Beria, chef du NKVD, que Staline avait présenté à Yalta comme « notre Himmler ». Inventeur du système des goulags, père de la bombe atomique russe et personnage tout droit sorti d’une fantaisie du marquis de Sade (sa propension pour la torture de ses opposants étant légendaire), il propose, pas con, de libéraliser le système mis en place par lui-même pour s’arroger l’amour du peuple. Pensant manipuler aisément le faible Gueorgui Malenkov – successeur officiel de Staline – il n’a pourtant pas compté sur les ambitions d’autres opposants dans le bureau comme Nikita Khrouchtchev et Serguei Molotov, faisant de lui bientôt le dindon de la farce.
Si le mélange entre satire et faits réels n’est rien de nouveau pour le réalisateur Armando Iannucci – on se rappelle le fabuleux « In the Loop » de 2009 sur le déclenchement de la guerre d’Irak – le choix de s’en prendre à cet épisode particulier de l’histoire de l’URSS peut surprendre. Certes, la BD de Thierry Robin et Thierry Nury a été un franc succès, pourtant en faire un film rassemblant une belle brochée d’acteurs hollywoodiens est un tout autre exercice.
Exercice totalement réussi, tant le bal de personnages et de convictions est entêtant est démontre les petitesses et très rarement les grandeurs des hommes qui entouraient le dictateur sanguinaire et paranoïaque. Si certaines des scènes s’inspirent de faits réels, comme la longue attente avant de se prononcer sur la mort de Staline, toutes ne le font pas. Et on ne pourra pas en faire le procès à Iannucci tant les versions sur la mort de Beria sont différentes et s’excluent les unes et les autres. Pourtant, « The Death of Stalin » est moins un film sur la mort du principal intéressé mais plutôt sur l’ascension de Nikita Khrouchtchev, qui, en jouant sur ses adversaires comme sur un clavier, grimpe une à une les marches du pouvoir.
Et ce n’est pas une surprise de dire que c’est Steve Buscemi, qui incarne Khrouchtchev, qui porte le film et que l’on voit ici dans un de ses meilleurs rôles, dépassant de très loin le carcan hollywoodien.
Donc, si vous voulez combiner une petite récapitulation historique et une attaque contre vos zygomatiques, courez voir « The Death of Stalin ».
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L’évaluation du woxx : XXX