La BlackBox du Casino accueille une étrange œuvre vidéo, fruit de la collaboration entre deux artistes à la marge. « Barbara dans les bois » et « Santa Barbara » sont bien plus que des comptines pour enfants – ces films se rapprochent d’une introspection filmée.
Barbara Massart est une artiste à part. Depuis ses débuts, la plasticienne déficiente mentale se passionne pour la matière, et plus particulièrement la laine, qu’elle tricote à la machine pour créer des vêtements informes et troublants. Tellement déstabilisants qu’ils ont saisi le photographe Nicolas Clément, fasciné par cet univers de la matière.
Les deux créateurs se sont rencontrés lors d’une résidence d’artistes, à La « S » Grand Atelier à Vielsam, centre d’art brut et d’art contemporain situé dans le sud de la Belgique. Un lieu d’échange entre artistes à la marge, différent-e-s, et artistes inscrit-e-s dans le circuit traditionnel.
De leur rencontre est né le projet exposé à la BlackBox du Casino. Le court métrage « Barbara dans les bois », tourné en 2015, montre un personnage cagoulé et lunaire qui se promène dans la nature. Le récit, imaginé par Barbara Massart, se concentre sur une cabane enflammée dans la forêt, des enfants pris au piège du brasier et une fuite éperdue à cheval. Un monde oppressant qui en dit autant sur Barbara Massart que sur le duo d’artistes.
Ce qui pourrait n’être qu’un portrait se révèle être un voyage à deux, une découverte mutuelle de l’art de l’autre. Barbara Massart joue de sa différence tandis que Nicolas Clément tente de capturer ce talent étonnant. La première a confectionné une série de pulls et de cagoules orangées, rappelant les flammes omniprésentes.
Une fascination pour les flammes qu’attise Nicolas Clément à force de montage instinctif, de collages, de saturation des couleurs ou, plus radical encore, de noir et blanc définitif. Documentaire expérimental, au grain argentique très identifiable, le film a ce goût de la différence, plongée dans les abîmes d’une créatrice torturée.
Le réalisateur déroule son film comme on déroulerait une bobine de laine, avec des nœuds inévitables, des cassures et des fragilités. Toute la puissance de cette œuvre est justement de s’intéresser à une artiste qui communique quasi exclusivement à travers ses créations.
Un deuxième film, « Santa Barbara », tourné en 2017, poursuit une collaboration appelée à durer tant les procédés des deux créateurs se répondent. Cette fois, il et elle se sont retrouvés dans une résidence d’artistes en Espagne. Le procédé ressemble à celui de « Barbara dans les bois ». D’un côté, Barbara Massart produit de nouveaux vêtements. De l’autre, Nicolas Clément choisit un cadre pour filmer ses déambulations.
À la forêt du premier film, humide, envoûtante, succèdent les paysages andalous, secs et violents. Les deux réalisations se font face avec un effet de miroir déformant. Une opposition de semblables. Car au cœur de l’image, Barbara Massart, fascinante, omniprésente, se montre sans détour, cachée derrière son obsession textile.