Attention : film gauchiste ! Avec « I Feel Good », la bande de Groland a récidivé et cette fois, ils ont même recruté Jean Dujardin pour leur nouvelle farce anti-néolibérale et drôle.
Monique et Charles sont des enfants du Grand Soir. Enfin, du Grand Soir qui n’est jamais venu. Rejetons de parents communistes convaincus, leurs trajets de vie divergent après le décès de ces derniers. Monique devient gérante d’une communauté Emmaüs près de Pau, tandis que Charles se débrouille avec de menus larcins et des combines souvent très foireuses. Alors que la grande sœur est restée attachée aux idéaux parentaux, au point où elle en est devenue bipolaire, le frère, lui, a évolué dans la direction inverse et cherche avant tout la richesse – sans foutre grand-chose, cela s’entend.
Alors, quand il débarque à l’improviste dans le royaume de bric-à-brac de sa sœur, il ne tarde pas à développer un nouveau plan : persuader les habitant-e-s du village Emmaüs de se refaire une beauté par le biais d’un passage sous le bistouri d’un obscur médecin suisse qui opère en Bulgarie. Ce qui ne peut finir qu’en farce, dont on ne va pas révéler le dindon ici.
Toujours dans le sillon de leurs précédents films comme « Mammuth », « Louise-Michel » ou encore « Le Grand Soir », Delépine et Kervern développent aussi dans « I Feel Good » le thème d’un monde prolétaire totalement déjanté et déconnecté de la réalité, dans lequel évoluent de drôles de personnages qui, à un moment ou un autre, vont sortir de leur bulle pour entamer une bataille contre les moulins à vent de la réalité capitaliste.
Cette réalité est ici magnifiquement portée par Jean Dujardin. Les réalisateurs réussissent à exploiter à merveille toute la mécanique des zygomatiques de l’acteur oscarisé – et dont le talent pour la grimace et les répliques absurdes portées avec le plus grand sérieux n’est plus à prouver depuis les succès des séries de films comme « OSS 117 » et « Brice de Nice ». De plus, Yolande Moreau, actrice fétiche du duo Delépine et Kervern, est l’idéal contrepoids à cette véritable machine de guerre de mimiques. Animée d’une douce folie et d’une énergie infatigable, elle ne gère pas uniquement sa petite entreprise, loin de là…
« I Feel Good » a la grâce d’arriver au bon moment politique : la France est en train de déchanter du « nouveau monde » promis par La République en marche du président Macron et certains monologues de Dujardin semblent justement s’adresser aux macronistes. Par exemple quand il déclare : « C’est fini le temps des cerises, maintenant, c’est le temps des noyaux », avant de déblatérer une fois de plus son pitch commercial.
Mais le film dépasse aussi cette critique en s’offrant un retour en arrière et une confrontation – un peu inattendue – avec les croyances des parents de ce duo improbable. Un mélange entre respect, cynisme et impuissance à se dépasser soi-même face à cet héritage bâti sur l’espoir, la solidarité et les non-dits.
Finalement, « I Feel Good » n’est pas seulement un « feel-good movie », mais une fable sur les temps présents – ce qui est aussi indiqué par les éléments théâtraux insérés dans le scénario et la troupe de figurant-e-s constituée de personnes réellement logées dans le village Emmaüs. Bref, si vous voulez avoir un peu chaud au cœur dans cette période où le froid se réinstalle dans nos contrées, allez-y !
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L’évaluation du woxx : XXX