Que l’élection d’un président d’extrême droite au Brésil ne fasse pas reculer les marchés ne devrait pas surprendre – pourtant le manque de retenue du grand-duché a de quoi étonner.

(© Wikipedia)
Les relations entre le Brésil et le Luxembourg sont plus que centenaires et incomparables à d’autres entretenues avec certains pays d’Amérique du Sud. Des pauvres paysans d’ici allés chercher une nouvelle existence outre-Atlantique (comme narré dans le roman « Neubrasilien » de Guy Helminger), aux nombreuses firmes luxembourgeoises installées depuis belle lurette dans le pays abritant le poumon vert de la planète – Arcelormittal bien sûr, mais aussi SES, Cargolux, CEBI, Ceratizit, Paul Wurth et d’autres entreprises industrielles.
La situation de départ semble donc idéale pour approfondir les relations économiques, ce que le gouvernement bleu-rouge-vert passé a d’ailleurs fait. Mis à part des missions économiques, le Brésil est aussi depuis mars 2018 le seul pays d’Amérique du Sud disposant d’une ambassade grand-ducale – inaugurée en grande pompe par Jean Asselborn. Une mission conduite en avril 2018 par Étienne Schneider a d’ailleurs renforcé les liens économiques entre les deux pays inégaux dans la coopération spatiale et celle des télécommunications.
De plus, une étude du Big Four KPMG, sur « Les relations commerciales entre le Brésil et le Luxembourg » est parue en septembre de cette année, donc à peine un mois avant les élections présidentielles qui se sont déroulées sur fond d’une crise politique et dont l’issue – l’élection du Trump brésilien Jair Bolsonaro – était plus que prévisible. Pourtant, dans cette étude, préfacée par le ministre de l’Économie en personne, on ne trouve rien qui laisserait entrevoir ne serait-ce qu’une once d’inquiétude face à la prise du pouvoir par des forces aussi réactionnaires que dangereuses.
Tout au contraire, l’analyse SWOT incluse dans l’étude ne mentionne qu’un « climat d’incertitude quant aux résultats des élections d’octobre 2018 » – mais heureusement qu’« aujourd’hui, le scénario économique est celui d’une reprise de la croissance ». Pas un mot sur les risques pour l’environnement sous la future présidence Bolsonaro, ni de réflexions sur les conséquences qu’aura un régime qui s’est voué à revenir en arrière sur les progrès sociaux instaurés sous l’ère Lula. Le seul problème qui revient dans l’analyse de la KPMG est la corruption endémique – qui ne sera pas résolu par la mise en place d’un régime autoritaire et répressif, mais au mieux juste maquillé autrement.
Et cela alors que l’avènement de Bolsonaro et de la droite extrême soutenue par les militaires n’était pas uniquement prévisible, mais presque la suite logique des choses, comme l’a expliqué dans plusieurs médias Frédéric Prévot, professeur associé en stratégie et management international à la KEDGE Business School. Il y dissèque notamment les réseaux de propriétaires terriens, de militaires et de fanatiques religieux qui se sont mis en marche pour faire élire Bolsonaro. Tout cela n’a visiblement pas eu d’incidence sur le jugement de la politique et de la place financière luxembourgeoise à croire qu’il n’y aura aucune barrière à continuer de faire du business avec le Brésil nouveau qui nous attend.
D’autant plus que, comme le démontre une étude de l’ONG luxembourgeoise ASTM intitulée « Belo Monte, Odebrecht und die Luxemburg-Connection », la place financière est déjà impliquée au cœur des scandales de corruption qui ont mené au changement de régime radical au Brésil. Notamment parce qu’Odebrecht, un géant de la construction derrière plusieurs projets de barrages très controversés par leur impact sur la nature et les populations indigènes, a fondé tout un réseau de firmes au Luxembourg.
Est-ce que le nouveau gouvernement va suivre la revendication de l’ASTM et faire une loi qui force les multinationales qui s’installent sur le territoire national à respecter les droits de l’homme ? Connaissant le manque d’intérêt du grand-duché par le passé pour de telles questions, on peut rester pessimiste.
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