Covid, climat et capitalisme : Répétition générale

La crise de la Covid devait fournir un modèle pour mieux aborder celle du climat. Elle est en train de démontrer qu’une logique de solidarité face aux défis mondiaux ne peut se déployer sans qu’on change de système.

Illustration : Gavi

Trop peu de vaccins ! Au Luxembourg, en Europe, partout, les gouvernements sont soupçonnés de ne pas en avoir acheté assez. Leur crédibilité est déjà ébranlée par des mesures pour endiguer la pandémie, jugées tantôt trop laxistes, tantôt trop sévères. Parions qu’ils vont tout faire pour redorer leurs blasons, et donc courir après les vaccins. Infailliblement, l’accroissement de la demande fera encore monter les prix – c’est normal. La loi du marché, comme nous l’enseignent les cours d’économie, conduit à une optimisation des processus de production, en enrichit certes quelques-un-e-s, mais fait le bonheur de tout le monde à travers le mécanisme du ruissellement.

Dans le cas de la Covid, les pays riches ont investi beaucoup d’argent dans le développement des vaccins et l’achat de ceux-ci, pour qu’ensuite, selon la théorie, l’abondance de vaccins permette leur ruissellement, à prix modiques, vers les pays pauvres. Un arrangement a été conclu en ce sens au niveau mondial : au sein du projet Covax, plus de 180 pays collaborent au développement, à l’achat et à la répartition de vaccins avec l’objectif d’un partage équitable. Les pays riches impliqués ont investi quelque six milliards de dollars, tandis que neuf dixièmes des deux milliards de doses attendues en 2021 seront livrées dans les pays pauvres.

Trop beau pour être vrai ? Rassurez-vous, ce ne sera qu’un ruisselet de vaccins qui arrivera en bas, au mieux assez pour protéger 20 % des citoyen-ne-s du Sud global avant la fin de l’année. Tandis que le Nord global sera irrigué par des flots de vaccins, achetés en dehors de Covax : alors que les pays riches ne représentent que 16 % de la population mondiale, ils se sont réservé 60 % des doses de vaccin qui seront produites. Cela creusera encore plus le fossé Nord-Sud, qui s’était déjà élargi par les effets économiques de la crise de la Covid : selon la Banque mondiale, la tendance à la réduction de la pauvreté des décennies passées s’est inversée, et celle-ci pourrait remonter sensiblement.

Ce n’est pas sans raison que Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, vient de mettre en garde le monde contre une « faillite morale catastrophique », si la course aux vaccins conduisait à rendre ceux-ci inabordables pour les pays pauvres. Au contraire, a calculé son organisation, en répartissant les doses de manière équitable, d’innombrables vies pourraient être sauvées.

Argumenter comme si l’humanité était une nation unifiée et la confection de vaccins une activité sans but lucratif est bien beau. La réalité est tout autre : l’optimisation par le marché enrichira les actionnaires qui ont misé sur les bons vaccins, conduira les pays riches à se surendetter pour survivre et ruinera les pays pauvres. La crise sanitaire n’en sera pas moins résolue, du moins dans une partie du monde, qui aura ainsi une raison supplémentaire pour construire des remparts la protégeant du reste de l’humanité.

Argumenter comme si l’humanité était une nation unifiée et la confection de vaccins une activité sans but lucratif est bien beau, mais…

Durant les premiers mois de la crise de la Covid, on a pu y voir une sorte de répétition générale de la lutte contre le changement climatique : la détermination des gouvernements à imposer des mesures drastiques et l’acceptation de changements de mode de vie par les populations constituaient une sorte de précédent pour des actions à venir. Désormais, la pandémie fournit une démonstration de la capacité du capitalisme et du principe de concurrence à amplifier les dérèglements systémiques et à contrecarrer les actions collectives.

Face à la Covid et au changement climatique, la stratégie optimale est incompatible avec les égoïsmes nationaux et, surtout, avec la maximisation du profit des marchés financiers. Les crises de la Covid et du climat ont en commun d’accentuer les injustices et d’accélérer la paupérisation de celles et ceux qui se situent déjà en bas de l’échelle. La différence ? En cas d’échec face au réchauffement atmosphérique, ce sera catastrophique pour tout le monde : les populations et pays riches ne pourront pas espérer en limiter les conséquences à la partie « inférieure » de la planète.

Interview détaillée sur les défaillances de Covax dans le woxx 1615: „Covax ist ein moderner Ablasshandel“.

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