« Proxima » est un extraterrestre parmi les films traitant de la conquête spatiale et réussit à rassembler l’envie de partir vers l’inconnu et les problèmes de l’existence humaine.
Seule femme et seule Française parmi une équipe masculine et étrangère, Sarah a déjà une vie compliquée. Mais pour atteindre son but, celui de vivre une année entière à bord de la Station spatiale internationale en vue de préparer une mission humaine sur Mars, elle est prête à tout sacrifier. Mais… l’est-elle vraiment ? C’est là où « Proxima », beau jeu de mots sur la « proximité » et Proxima Centauri – l’étoile la plus proche du soleil – rompt totalement avec les récits d’exploits d’astronautes, fictionnel-le-s ou non, comme on les connaissait dans le cinéma jusqu’ici.
Parce que voilà, Sarah est mère d’une petite fille de huit ans, Stella. Et déjà que mère célibataire est une position pas vraiment enviable dans un quotidien banal, la carrière de Sarah n’allège certainement pas le fardeau qui pèse sur la relation mère-fille. Bien que le père ait toujours une présence dans leur vie, l’absence de la mère provoque chez la petite bien plus d’irritation que la séparation de ses parents. Il faut dire que savoir sa maman en orbite autour de la terre pour un an, c’est flippant, et pas que pour une gamine. S’y ajoute l’atmosphère dans laquelle évolue l’astronaute et mère : un univers toujours viril, à peine conquis par la gent féminine, où chaque faiblesse peut mener à des sanctions, voire la privation de voyage spatial. Et quand on a un collègue comme Mike, qui patauge entre sexisme et drague un peu lourde, cela complique encore le problème de charge mentale.
Dans « Proxima », Alice Winocour a donc choisi de prendre à contre-pied 99 pour cent des films consacrés à l’exploration spatiale. Évoluant d’un point de vue féminin et traitant de problèmes liés à la condition terrestre plutôt qu’à ce qui nous attend au-delà des étoiles, elle réussit une étude introspective de la relation entre une mère et une fille, qui cherche sa comparaison encore dans le cinéma de ces dernières décennies.
Certes, on pourrait dire que le film aurait été bien moins spectaculaire sans la composante spatiale et toutes les images tournées dans les centres d’entraînement, ni l’envie de quitter la planète pour y trouver un destin meilleur ou juste pour l’intérêt de la science. Pourtant, la condition d’astronaute de la mère peut aussi se lire comme une métaphore. Ce n’est pas tellement l’éloignement et le décollage de la terre qui importent : c’est qu’elle s’est choisi un destin qui va l’amener loin de sa fille et induire une séparation douloureuse, qui l’est d’autant plus vu que le film se concentre sur l’anticipation de cette séparation – celle-ci en devient encore plus grave.
Le choix des actrices et acteurs opéré par Alice Winocour s’avère judicieux. Avant tout celui d’Eva Green, qui peut ici faire montre de toute sa palette d’émotions : celle de mère, celle de femme seule et celle de guerrière dans un environnement hostile. Les épreuves physiques qu’elle doit maîtriser dans son entraînement d’astronaute et les efforts que lui demande la détresse émotionnelle de sa fille se reflètent comme des miroirs spatiaux dans ses yeux. Sa contrepartie Matt Dillon, dans le rôle de Mike, livre une performance plus dans les clous, mais tout à fait crédible – peut-être que Dillon avait besoin d’un rôle plus terre à terre après le psychopathe tueur en série qu’il interprétait pour Lars von Trier l’année dernière.
En tout, « Proxima » n’est pas un film pour celles et ceux qui rêvent de quitter notre planète à bord d’une fusée – il s’adresse plutôt à un public adorant le terre à terre.
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L’évaluation du woxx : XX