Le conflit entre ministère, archevêché et syndicat des fabriques d’église est en train de virer à la comédie absurde. Mais c’est surtout l’opportunisme politique du CSV qui surprend.
Dans le rapport d’octobre 2012 du « groupe d’experts chargé de réfléchir sur l’évolution future des relations entre les pouvoirs publics et les communautés religieuses ou philosophiques au grand-duché du Luxembourg », commandé par le ministre CSV en charge des cultes de l’époque, François Biltgen, la sentence sur le système des fabriques d’église au Luxembourg est presque sans appel. On y parle entre autres d’un « traitement inégal ». Dans les propositions faites par le groupe d’experts, celle de leur suppression pure et simple est déjà évoquée.
Ceci dit, le geste du ministre de l’Intérieur Dan Kersch, qui s’attribue l’initiative d’en finir une fois pour toutes avec ces privilèges datant d’une époque bien révolue et qui n’ont aucune place dans un pays multiculturel, multiethnique et multiconfessionnel comme le nôtre, apparaît tout de suite beaucoup moins révolutionnaire. Et pourtant, les critiques ne manquent pas.
D’abord celles venant du Syfel, le syndicat des fabriques d’église, cette drôle de structure créée ad hoc quand la communauté catholique s’est aperçue que la réforme des conventions entre l’église catholique et l’État prendrait un tournant qui ne leur goûterait point. La position du Syfel est pour le moins paradoxale. D’un côté, on assiste à un refus total de tout changement concernant les privilèges accordés au culte catholique. De l’autre côté, le Syfel réclame son implication, à travers le dialogue avec le ministre de l’Intérieur, dans l’élaboration des réformes à venir.
Pourtant, la seule réforme à envisager concernant les fabriques d’église, ça serait leur suppression pure et dure. Le Syfel, et avant tout son secrétaire Marc Linden, essaient de mener un « Kulturkampf » qui n’a plus lieu d’être. Certes, le compromis trouvé entre l’État et l’église catholique ne va pas assez loin pour qu’on puisse parler d’une véritable séparation. Mais il en constitue une base réaliste pour toute évolution future.
C’est aussi le seul moyen de savoir combien pèsent ces structures et combien elles ont coûté aux communes qui, jusqu’ici, ont bien été forcées de les subventionner. Une transparence totale concernant les avoirs de l’église et leur répartition entre communes et archevêché sera un gage de confiance mutuelle. Plus personne ne pourra prétendre ne pas savoir combien de terrains et d’argent se trouvent dans les mains du clergé. Une évolution que tout catholique un tant soit peu pragmatique devrait, en théorie, saluer.
La seule réforme possible pour les fabriques d’église, c’est leur suppression pure et simple.
Une fois n’est pas coutume, c’est l’église catholique qui se retrouve entre deux chaises. D’un côté, le gouvernement avec lequel elle a signé une convention qui prévoit entre autres la suppression des fabriques d’église et la création du fameux fonds. De l’autre côté, la base des fabriques d’église pour qui les négociations entre Erny Gillen, l’ancien vicaire général, et le gouvernement, représentent une trahison et un geste antidémocratique. Certes, on ne savait pas l’establishment catholique si empli d’esprit démocratique – mais apparemment, il peut l’être quand ça l’arrange. En tout cas, la position du nouveau vicaire Leo Wagener est peu enviable : il est obligé de mener une guerre sur deux fronts.
Surtout que le Syfel vient de se trouver un nouvel associé, le CSV. Dopé par la fièvre pré-électorale, le parti conservateur fait feu de tout bois et promet aux croyants qu’une fois réélu, il abolira ces paragraphes diaboliques et remettra les pendules à l’heure… napoléonienne. Alors que celui qui a mis en branle la mécanique menant à la situation actuelle, c’était un ministre CSV. Si tacuisses…