Avec la nouvelle structure tarifaire entrée en vigueur le 1er janvier, tous les ménages vont voir leur facture d’électricité augmenter de 5 à 9 % minimum, rien que pour les frais de réseau, prévient la Chambre des salariés du Luxembourg. La facture sera bien plus salée pour celles et ceux qui utilisent une voiture électrique ou une pompe à chaleur.

(© Claudia Wollesen – pixabay)
Depuis le 1er janvier, la nouvelle structure tarifaire de l’électricité est entrée en vigueur. Comme beaucoup le craignaient, même si la nouvelle facturation est censée refléter au plus près la consommation de chaque ménage et éviter ainsi des discriminations, et en dépit des efforts de ces derniers pour limiter leur consommation d’électricité, la hausse est inévitable, que ce soit en raison d’une augmentation des frais de réseau ou du prix de l’électricité.
Dans sa newsletter de janvier, la Chambre des salariés du Luxembourg (CSL) est catégorique : « Les frais d’utilisation du réseau vont généralement augmenter pour tous les ménages, y compris ceux qui ne dépassent jamais leur puissance de référence » (ou puissance « de prélèvement » : 3 kilowatts, 7 kW, 12 kW, etc., calibrée en fonction des usages et des profils les plus courants et attribuée automatiquement par les gestionnaires de réseau selon l’historique de consommation habituelle du ménage). En effet, comme l’explique la CSL, le revenu maximal autorisé en 2025 pour les gestionnaires de réseau – Creos, Sudstroum, Ville de Diekirch et Ville d’Ettelbruck – va augmenter de 11 % par rapport à celui de 2024, pour atteindre 326,6 millions d’euros, dont un peu plus de 166 millions d’euros seront couverts par le tarif d’utilisation du réseau basse tension, dont les ménages sont les principaux utilisateurs.
De surcroît, le modèle de facturation pour accéder au réseau basse tension est modifié depuis le 1er janvier. Alors que l’année dernière les tarifs d’accès comprenaient deux composantes – une redevance mensuelle fixe (qui incluait la redevance de comptage mensuelle) ainsi qu’une composante volumétrique de 0,075 € par kWh consommé –, la nouvelle facture d’électricité comprendra désormais quatre composantes. Il y aura ainsi toujours une redevance mensuelle fixe, désormais calculée en fonction de la puissance de référence du ménage, et une redevance mensuelle de comptage, à part, qui passe de 5,75 euros à 5,90 euros par mois. La redevance volumétrique augmente elle aussi légèrement pour passer à 0,0759 €/kWh. Enfin, un supplément de 0,1139 €/kWh sera appliqué au volume dépassant la puissance de référence.
À titre d’exemple, un ménage classé dans la catégorie de référence 3 kW – 93 % des utilisateur·rices du réseau d’après l’Institut luxembourgeois de régulation (ILR) – paiera selon sa composition entre 22 et 25 euros de plus en 2025 qu’en 2024, juste pour l’utilisation du réseau, et à condition d’éviter tout dépassement de ce seuil de 3 kW. L’augmentation des coûts d’utilisation pour les ménages classés dans d’autres catégories sera bien supérieure (au moins 100 euros pour les 7 kW). Si payer chaque mois un peu moins de deux euros supplémentaires peut ne pas sembler très élevé pour certains, « il est important d’éviter autant que possible les dépassements », alerte la CSL, « car chaque volume de dépassement entraîne des coûts tarifaires (hors prix de l’électricité) 2,5 fois plus élevés ». Or, un dépassement peut vite arriver, parfois même plusieurs fois par jour : utiliser simultanément plusieurs appareils électroménagers de base suffit pour dépasser le seuil de 3 kW.
La nouvelle grille tarifaire a en effet également pour but d’inciter les utilisateur·rices à modifier leurs comportements et leurs habitudes de consommation, en répartissant l’utilisation des appareils électriques afin de limiter les pics de charge, en particulier pendant les heures de pointe d’utilisation du réseau (plus ou moins entre 10h et 13h et de 17h à 19h). Seulement, « compte tenu de cet impact important, les ménages qui n’ont pas les moyens d’adapter leurs habitudes de consommation d’électricité quelle qu’en soit la raison – travail à temps plein, manque d’appareils électroménagers efficaces et intelligents, etc. – risquent de voir leurs coûts de réseau augmenter de manière conséquente », déplore la CSL.
Sans surprise, la facture s’annonce encore plus salée pour celleux qui ont investi dans une voiture électrique ou une pompe à chaleur. A fortiori si leur logement est mal isolé. La CSL prévoit pour elleux « une augmentation importante de leurs coûts de réseau, qui pourrait facilement atteindre 25-33 % en 2025 ».
Une conclusion qui va à l’encontre des premières déclarations gouvernementales. Dans une réponse parlementaire, les ministres Elisabeth Margue (déléguée auprès du premier ministre) et Lex Delles (Économie et Énergie) avaient assuré mi-octobre que « la nouvelle structure tarifaire [aurait] très peu d’impact sur la majorité des clients », qu’« un dépassement régulier de la puissance de référence est tout à fait normal, et qu’il [n’était] donc pas nécessaire d’éviter ces dépassements à tout prix ».
« La communication autour de la modification de la structure tarifaire de l’électricité a été déplorable. La décision du changement de la structure tarifaire a été fixée avant le début des débats publics récents (dans le cadre d’un règlement datant du 15 novembre 2023, ndlr). Et les éléments nécessaires pour effectuer nos calculs afin de comprendre l’impact de ce changement tarifaire ont été publiés il y a quelques semaines seulement. La communication n’a été ni claire ni transparente », regrette auprès du woxx Claude Roeltgen, conseiller de direction à la CSL.
Frein à la transition verte
Tout ceci vient s’ajouter à la hausse spectaculaire à venir cette année du prix de l’électricité, de l’ordre de 60 % selon les pronostics du Statec, en raison du contexte géopolitique et du mode d’approvisionnement des fournisseurs d’énergie au grand-duché. Des prévisions qui avaient poussé le gouvernement à maintenir en 2025 une enveloppe de 171 millions d’euros visant à supporter la moitié de cette augmentation, 30 % restant à la charge des consommateur·rices. « Nous sortons tout juste d’une phase inflationniste et voilà que les prix de l’électricité et du gaz augmentent, et qu’il y a une diminution du bouclier étatique, voire sa suppression dans le cas du gaz. Il est évident que la précarité énergétique va augmenter », prévient Claude Roeltgen.
La nouvelle grille tarifaire avait été approuvée par l’ILR le 28 novembre dernier, pour compenser les investissements que les gestionnaires de réseau vont devoir prochainement faire au niveau des infrastructures, pour augmenter les capacités du réseau électrique et garantir le bon fonctionnement de la distribution d’électricité dans les années à venir. En effet, le recours accru à l’électricité afin de décarboner nos sociétés et d’atteindre l’objectif de zéro émission d’ici 2050 semble inéluctable à ce jour. Couplé à la croissance démographique du pays, le flux d’énergie va nécessairement augmenter et nécessiter une adaptation des réseaux. Selon le plan national intégré en matière d’énergie et de climat 2021-2030 (PNEC), la consommation totale d’électricité devrait ainsi augmenter de 34 % par rapport à l’année 2023 d’ici 2030 et de 69 % d’ici 2040, rappelle la CSL.
Mais toutes ces augmentations tarifaires risquent de porter un coup dur à la transition verte et « d’apporter de l’eau au moulin de ceux qui critiquent l’électrification », avertit Claude Roeltgen : « Ce changement de grille tarifaire risque d’avoir un impact sur la vente de pompes à chaleur ou de véhicules électriques, d’autant que, pour ces dernières, le gouvernement a diminué les primes d’achat (6.000 euros maximum depuis le 1er octobre, contre 8.000 euros auparavant, ndlr). À moyen terme, il faut donc faire attention à l’évolution des prix pour éviter que l’électricité ne devienne trop chère par rapport à l’énergie fossile, et veiller à ne pas freiner cette dynamique de transition verte qu’on a pu observer ces dernières années au Luxembourg. Le gouvernement doit soutenir la transition et prendre des mesures pour absorber le choc si les prix augmentent. »