Exposition collective : La langue au chat

L’exposition « Pardon My Language » à la galerie Zidoun & Bossuyt explore de façon ludique les différents langages esthétiques et artistiques présents dans l’art contemporain.

Tout un programme, on vous le dit. « Pardon My Language », exposition collective curatée par l’artiste nippon Tomokazu Matsuyama, se propose d’explorer l’espace commun entre les pratiques européennes et américaines dans l’art contemporain. S’appuyant sur la thèse que désormais l’ancien contrat entre l’artiste et le critique est rompu en faveur de celui entre l’artiste et le marché de l’art – et que ces sphères s’interpénètrent et brouillent les perspectives –, Matsuyama a réuni quelques-un-e-s des meilleurs artistes contemporain-e-s dans une petite exposition qui vaut le détour.

D’emblée, on n’a plus besoin ici de vous présenter le trublion Wim Delvoye, qui est devenu une sorte de coqueluche nationale, et pas uniquement depuis son exposition monographique au Mudam. Les travaux qu’il montre ne sont pas forcément neufs, mais reflètent bien le désir de détournement et de modification d’objets du commun juste pour y imprimer sa marque. Cette fois, ce sont deux valises modernes – des Rimova tout de même – qui ont été « delvoyeisés », et une sculpture représentant un Nautilus a été affublée des miniatures de cathédrale que l’artiste chérit tant.

Pourtant, la vraie découverte est féminine : Alison Elizabeth Taylor, née en 1973 à Selma en Alabama (la ville connue pour la marche de Martin Luther King), est d’abord une technicienne parfaite. Ses tableaux en bois sont issus du procédé connu depuis la Renaissance de la marqueterie, qui consiste en l’incrustation de plusieurs couches de bois et d’autres matières à des fins décoratives sur des meubles par exemple, ou dans des tableaux pieux dans les églises. Taylor, par contre, utilise cette technique compliquée pour dépeindre des scènes de son quotidien américain. À l’inverse de l’esthétique trash, qui est souvent utilisée pour évoquer la vie aux States, son art provoque une certaine sacralisation du regard sur ces femmes et hommes ordinaires – qui ne posent d’ailleurs pas, mais qui sont pris-e-s sur le vif. Elle combine donc un langage technique datant de plusieurs siècles pour redorer un quotidien souvent dur et triste.

Aussi venu de l’autre côté de l’Atlantique, l’artiste aux racines portoricaines Carlos Rolòn/Dzine a un langage artistique plus étendu. Il utilise des techniques entre peinture et installation, et chacune de ses œuvres est un petit univers en soi. Qu’il y intègre des dorures, des miroirs ou des éléments en étoffe, les toiles ont toutes en commun de fonctionner comme un système de signes clos. Aucune communication avec l’extérieur ne semble exister pour ces pièces autosuffisantes. Ainsi, Carlos Rolòn/Dzine réinvente un langage spécifique quasiment pour chaque œuvre qu’il crée.

Bien sûr que le curateur en personne ne s’est pas oublié et expose aussi certaines de ses nouvelles toiles, vu que ce n’est pas la première fois qu’il expose dans la petite galerie du Grund. Ancré dans la diversité de sa propre culture, de l’estampe classique au manga, Matsuyama pratique toujours avec autant d’entrain la communication avec les genres du pop art et du néoréalisme.

Une exposition haute en couleur en somme, et bien plus structurée qu’un simple « best of » auquel aiment s’adonner d’autres galeries.

Jusqu’au 3 mars.

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