À Neimënster, les œuvres de trois artistes birmanes engagées attirent l’attention sur le sort des femmes et des minorités dans un pays toujours bridé par le coup d’État de février 2021.
Alors que les élections législatives birmanes de novembre 2020 sont remportées par la Ligue nationale pour la démocratie d’Aung San Suu Kyi, l’armée s’empare du pouvoir dès le 1er février suivant. Et voilà le pays à nouveau sous le joug des militaires, dont le premier coup d’État remonte à 1962. En Europe, on se met aux fenêtres à 20h pour applaudir le personnel soignant en pleine crise de la covid ; à Rangoon, Mandalay ou Naypyidaw, on sort les poêles et les woks pour protester bruyamment contre la prise de pouvoir par le commandant en chef Min Aung Hlaing.
Pour l’exposition « Femmes en résistance », l’artiste Mayco Naing en tire non seulement une vidéo intitulée « Autoportraits » la représentant lors de ces protestations quotidiennes, mais aussi une série de photographies qui montrent les barricades improvisées (poubelles, sacs de ciment…) pendant des manifestations. Ses clichés, plutôt que des propositions artistiques sophistiquées, collent à la réalité et aux visages dans les séries « Barricades » ou « Freedom from Fear », qui exposent la jeune génération birmane élevée sous un régime militaire répressif et qui doit maintenant entrer avec force difficulté dans la vie active. Ces œuvres capturent avec beaucoup de force l’essence de la résistance du peuple birman, sans fioritures.
Métaphore de la jacinthe
C’est également par la photographie, entre autres, que s’exprime Nge Lay. Dans ses séries « Endless Stay » et « Urban Stay », elle superpose des images de personnes ou de lieux emblématiques, réalisées au 20e siècle, avec des clichés contemporains. Ce faisant, elle entend montrer les changements de la société birmane tout comme le fait que le présent est relié au passé par une ligne continue, même si parfois certains épisodes sont oubliés. Le travail très métaphorique de l’artiste comporte aussi la vidéo « Let Me Out », où elle se met en scène dans une cage de film plastique transparent, figurant l’enfermement des femmes dans la société birmane. Quant aux techniques mixtes d’« Iron Gates », réalisées spécialement pour l’exposition, elles représentent des vulves façonnées dans une diversité d’étoffes et de couleurs ; la symbolique de mère Nature est au cœur de ces pièces, également représentatives d’une identité de genre sur laquelle peuvent se baser des discriminations. Ces sexes féminins, loin d’une provocation potache, s’insèrent avec logique dans une production qui sait combiner des revendications féministes et démocrates.
La troisième artiste exposée, Chuu Wai Nyein, choisit de transmettre ses messages par la peinture. Face à l’hyperréalisme des photos et vidéos précédentes, sa « Série poésie » repose l’œil, mettant à l’honneur le poète reconnu Zawgyi et sa métaphore des fleurs de jacinthe comme symboles de la résistance du peuple birman. Esquissées sans fioritures et avec une palette de couleurs réduite, de jeunes Birmanes posent comme si le calme régnait au pays… arborant cependant fièrement ces fleurs de jacinthe dans les cheveux en signe de ralliement au mouvement de protestation. Mais Chuu Wai Nyein choisit aussi de peindre les barricades et propose des photographies et une vidéo de sa performance « Voir c’est croire ». Dans des lieux parisiens très fréquentés, l’artiste, visage couvert par un voile où figurent les mots « Can’t see. Can’t breathe. Can’t speak », distribue des petits papiers aux touristes pour attirer leur attention sur le musellement de la population et la mauvaise gestion de la crise sanitaire par la junte militaire. Après tout, l’art aussi peut et doit alerter, et l’artiste sait combiner la subtilité de la métaphore peinte à l’efficacité (on l’espère) de l’action coup de poing.
Rassemblées par Marie-Pierre Mol de la galerie Intersections, à Singapour, les œuvres de ces trois jeunes Birmanes brossent un tableau pessimiste de la condition féminine en Birmanie, tout comme elles n’incitent pas à l’optimisme sur le retour à la démocratie. Mais elles le font avec des regards d’artistes, complétant une couverture journalistique qui a tendance à s’étioler avec le temps. Pour ne pas oublier la Birmanie.
Jusqu’au 6 février à Neimënster.
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