EY est un des « Big Four » les mieux implantés au grand-duché. Ce mardi, le cabinet d’audit et de conseil a présenté son bilan annuel, qui est en phase avec l’économie luxembourgeoise.
Si la salle de conférences au cinquième étage du building d’EY au Kirchberg était un aquarium, alors Alain Kinsch en serait le requin. « Country management partner » pour le Luxembourg depuis 2010 et ayant l’oreille du gouvernement (il siège au Conseil d’État pour le DP, parti pour lequel il a participé à l’élaboration du programme de coalition en 2013, si bien qu’il ne faut pas s’étonner que le cabinet puisse désormais compter la BCEE, les CFL et Encevo parmi ses clients) – Alain Kinsch laisse planer en permanence son regard sur la salle, n’arrête pas de se trifouiller les mains et semble en état d’attaque permanente.
Il est en droit de se réjouir : « Les chiffres sont les meilleurs depuis 2012, 10,9 % sur tous les segments », déclare-t-il avant de revenir sur l’accélération de la croissance d’EY ces quatre dernières années – avant quelques périodes de vaches (un peu plus) maigrichonnes.
Dans le détail, c’est le segment de l’advisory (conseil) qui profite le plus de la croissance, suivi de l’audit et de la branche fiscale (qui croît un peu moins que l’année dernière avec 6,6 % contre 9,3 %). Ces bons chiffres sont liés à une croissance générale de l’économie luxembourgeoise, qui a permis à EY de s’impliquer davantage dans le domaine des start-ups et de l’économie non financière. Et puis le Brexit a eu des impacts significatifs sur tous les segments, à en croire les représentants du cabinet.
Autre aubaine : les nouvelles réglementations européennes et internationales mises en place après les fuites et les procès des lanceurs d’alerte. Paradoxalement, celles-ci font aussi la joie d’EY, puisque sa clientèle a besoin de ses conseils pour s’adapter et rester dans la légalité. Confronté au fait que souvent ce sont des cabinets des Big Four qui conseillent les législateurs européens, comme l’a récemment pointé un rapport de l’ONG Corporate Europe Observatory, et que ce seraient donc les mêmes personnes qui écriraient les lois et qui gagneraient de l’argent à les faire appliquer, Kinsch répond : « Je peux comprendre qu’on puisse y voir un conflit d’intérêt, mais ce n’est pas mon point de vue. Nous préférons que la Commission européenne écoute les Big Four, au lieu de les ignorer – puisque c’est nous qui disposons du savoir-faire. Ensuite, à la Commission de faire la part des choses ; ceux qui décident doivent être assez intelligents pour le faire. En fait, ce serait surtout le contraire qui me choquerait. » Bref, si la Commission européenne est sous la coupe des lobbys des cabinets d’audit, c’est parce qu’elle est intelligente. Comprenne qui veut.
L’« optimisation » fiscale fait toujours part du business d’EY, même si le nombre de tax rulings a diminué, comme l’a expliqué John Hames, tax leader et partner chez EY . Celui des prix de transfert, même pour les PME et les boîtes qui n’ont pas de banque interne, a augmenté. Une stratégie d’ailleurs déjà mise en place chez la concurrence de PricewaterhouseCoopers (PWC), comme l’avait précisé le lanceur d’alerte Raphaël Halet dans son interview au woxx.
Bref, EY est et restera fortement implanté au Luxembourg, et cela malgré ou grâce à ses liens forts avec les administrations et les multiples casquettes que portent ses dirigeants.
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