Festival de voix

Pour le premier concert de sa résidence cette saison à la Philharmonie, mardi 23 octobre, Philippe Herreweghe a offert un programme entièrement mozartien, à la tête de deux formations qu’il a fondées. Avec, en apothéose, un « Requiem » où les voix du chœur et des solistes ont particulièrement séduit.

Photos : Sébastien Grébille

Si le plat de résistance de la soirée est sans conteste le « Requiem » de Mozart dans la version achevée par son assistant Süßmayr, la première partie promet tout de même une écoute passionnante. L’Orchestre des Champs-Élysées, que le chef gantois a créé en 1991, interprète la « Symphonie n41 en ut majeur », dite « Jupiter », ultime symphonie du compositeur. Le cœur du répertoire de l’ensemble en somme, joué sur base des dernières recherches musicologiques.

Pas de doute, les instrumentistes sont parfaitement au point musicalement, et vraiment justes en plus, ce qui ne va pas forcément de soi sur des copies d’instruments d’époque. La direction de Herreweghe fait la part belle aux cordes, se tournant souvent vers les violons ou se penchant quasi dangereusement vers les violoncelles ou altos. Il y manque peut-être la précision que les bois et cuivres aiment en général, et cela se ressent dans le son : les contrechants ou répétitions de motifs des pupitres de l’arrière sont masqués quelquefois par des cordes souveraines, omniprésentes dans l’équilibre sonore général. La fugue du mouvement final notamment en perd un peu sa virtuosité. Grand point positif cependant, qu’on lui connaît évidemment déjà au disque, cet orchestre a véritablement un son bien a lui, sans volumes exagérés, tout en subtilité. Une symphonie peut-être perfectible, mais qui augure bien de la suite du programme.

Au retour des coulisses, l’orchestre est rejoint par le Collegium Vocale Gent, fondé lui dès 1970 par Herreweghe. Une trentaine de choristes prennent place sur scène, puis entrent les quatre solistes du jour : la soprano Emöke Baráth, la mezzo Eva Zaïcik, le ténor Maximilian Schmitt et la basse Florian Boesch. Les mains du chef, qui dirige sans baguette, donnent le tempo du premier mouvement, et la magie enfin se déclenche. Car la petite heure que dure l’œuvre titanesque de Mozart passe en quelques instants : emporté par l’homogénéité des voix tant dans le chœur que chez les solistes (à tel point qu’on n’évoquera pas ici leurs prestations individuelles), le public se délecte aux accents tantôt graves tantôt lyriques d’une partition fleuve.

Par rapport à la symphonie, les vents sont plus sonores, plus assurés, culminant avec le très beau solo de trombone du « Tuba mirum ». Les cordes gagnent aussi en précision, tout en gardant un son arrondi. Mais ce sont les voix, comme évoqué, qui emportent le morceau. La justesse, la précision, l’articulation, tout concourt à diriger spectatrices et spectateurs vers le paradis des mélomanes, « Requiem » oblige. Et lorsque la musique retombe, cet hommage du public à une performance d’une émotion rare : un véritable silence, religieux pour celles et ceux qui y tiennent, avant les applaudissements. Beau début de résidence.

 


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