France
 : Un été explosif

Un mois est passé depuis l’attentat de Nice. À moins d’un an de l’élection présidentielle, peur du terrorisme, populisme et islamophobie forment un cocktail explosif. Une chronologie.

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La gueule de bois perdure depuis le soir du 14 juillet… promenade des Anglais à Nice. ( Photo : Wikimedia)

Jeudi, 14 juillet : Alors qu’une foule de plusieurs milliers de personnes assiste au traditionnel feu d’artifice à l’occasion de la fête nationale française à Nice, Mohamed Lahouiaej-Bouhlel fonce avec un poids-lourd sur la promenade des Anglais pendant près de deux kilomètres. Il tue 85 personnes et en blesse 434 avant d’être abattu par des policiers. L’organisation État islamique revendique l’attentat.

Le soir même, l’ancien maire de Nice et président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Christian Estrosi (« Les Républicains »), accuse de « graves défaillances » au niveau de la sécurité. « Les présences policières et militaires étaient insuffisantes » affirme-t-il devant la presse. Lors des attentats de janvier à Paris, il avait déclaré que « si Paris avait été équipé du même réseau de caméras que le nôtre, les frères Kouachi n’auraient pas passé trois carrefours sans être neutralisés et interpellés ».

Vendredi, 15 juillet : Lors d’une minute de silence à Nice pour les victimes de l’attentat de la promenade des Anglais, Manuel Valls est hué quand il arrive sur place. « Assassin ! » lui lance une partie de la foule. Plus tard, une vidéo d’une altercation entre une femme musulmane et un groupe de personnes apparaît. « Retournez d’où vous venez ! On n’en veut plus de vous ! » lance le groupe à la femme venue assister à la minute de silence. « Foutez le camp ! »

Une confrontation inéluctable

Samedi, 16 juillet : Plusieurs médias publient des extraits du rapport de l’audition du patron de la Direction générale de la sécurité intérieure, Patrick Calvar, devant une commission d’enquête parlementaire. S’il se dit persuadé que « nous viendrons à bout du terrorisme », même si ça mettra du temps, Calvar se montre inquiet face à la montée en puissance d’une extrême droite violente. « La confrontation est inéluctable », dit-il. « Vous aurez une confrontation entre l’ultra droite et le monde musulman – pas les islamistes, mais bien le monde musulman. Encore un ou deux attentats et elle adviendra » avertit-il.

Dimanche, 24 juillet : Une policière municipale niçoise émet de graves accusations dans les colonnes du « Journal du Dimanche ». Chargée de remplir un rapport sur le dispositif de sécurité le soir du 14 juillet, elle aurait subi des pressions de la part du ministère de l’Intérieur afin d’en modifier le contenu. Plus tard, sa relation étroite avec Christian Estrosi devient publique. Le ministère de l’Intérieur dépose plainte contre la policière municipale.

Mardi, 26 juillet : À Saint-Étienne-du-Rouvray, dans la périphérie de Rouen, deux jeunes djihadistes pénètrent dans une église alors qu’une messe y a lieu. Ils égorgent le prêtre Jacques Hamel et blessent plusieurs de ses disciples avant d’être abattus par des unités spéciales de police. L’un des deux hommes, qui avaient prêté allégeance à l’organisation État islamique, portait un bracelet électronique après avoir tenté de rejoindre la Syrie à deux reprises. Le maire communiste de la localité déclare, en larmes : « Soyons ensemble les derniers à pleurer. Et soyons ensemble les derniers à être debout contre la barbarie et dans le respect de tous. »

Jeudi, 28 juillet : Le maire Les Républicains de Cannes, David Lisnard, prend un arrêté municipal interdisant le port de tenues « manifestant de manière ostentatoire une appartenance religieuse ». Comprenez : le « burkini », dont le nom mélange allègrement les différentes tenues à connotation religieuse. Il est en effet question d’un maillot de bain recouvrant l’ensemble du corps ainsi que les cheveux – mais pas le visage, comme le faite la « burqa ».

Débat estival autour du « burkini »

Dimanche, 31 juillet : Le Premier ministre Manuel Valls signe une tribune intitulée « Reconstruire l’islam de France » dans le « Journal du Dimanche ». Il s’y exprime en faveur d’un « pacte républicain » avec l’islam notamment à travers la reconstruction de la « Fondation pour l’islam de France » et l’interdiction du financement étranger des mosquées. « Si l’islam n’aide pas la République à combattre ceux qui remettent en cause les libertés publiques, il sera de plus en plus dur pour la République de garantir ce libre exercice de culte », écrit-il. « Il faudra un engagement massif et puissant. D’abord, des musulmans. »

W1385Jeudi, 4 août : L’avocat et député proche du Front national Gilbert Collard reproche au gouvernement socialiste d’être « aux ordres du terrorisme ». « C’est le terrorisme qui fait agir le gouvernement et pas le gouvernement qui agit contre le terrorisme. Il aura fallu Nice et l’assassinat d’un prêtre pour que le gouvernement s’engage dans une espèce de réorganisation, du reste maladroite, de l’islam et qu’il décide de contrôler le financement des mosquées, alors que je l’avais proposé dès juillet 2015 », explique-t-il au « Télégramme ».

Mercredi, 10 août : Le directeur général des services de la Ville de Cannes explique dans une interview que les « tenues ostentatoires » comme le « burkini » font « référence à une allégeance à des mouvements terroristes qui nous font la guerre ».

Jeudi, 11 août : Une interview de Nicolas Sarkozy paraît dans le magazine d’extrême droite « Valeurs actuelles ». L’ancien chef d’État s’y montre décidé à aller pêcher des voix sur le terrain de Marine Le Pen. « La France doit être impitoyable, la peur doit changer de camp », dit-il, entre autres. Revenir sur le droit du sol, interdire le port du voile à l’université, ouvrir des camps d’internement pour terroristes potentiels, Sarkozy ne laisse pas de doute quant à ses intentions.

Samedi, 13 août : Le tribunal administratif de Nice donne raison au maire de Cannes. L’interdiction du port du « burkini » sur les plages de la ville est donc maintenue. Le Collectif contre l’islamophobie en France, à l’origine de la plainte contre l’arrêté municipal, annonce vouloir faire appel de la décision.

Le même jour, sur une plage de Sisco en Corse, une rixe entre un groupe de baigneurs dont des femmes en « burkini » et des jeunes riverains éclate. Deux versions opposées des faits circulent. Ce qui n’empêche pas quelques centaines d’habitants de Sisco, le village d’où est originaire le groupe de jeunes locaux, d’effectuer une descente dans la cité où habitent les baigneurs impliqués dans la bagarre. Des heurts ont lieu entre villageois et forces de l’ordre. Le maire socialiste de Sisco suit l’exemple de Cannes et interdit le port du « burkini » sur les plages de son village.

Soyez discrets !

Lundi, 15 août : L’ancien ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement, que Valls aimerait voir à la tête de la « Fondation pour l’islam de France », s’exprime dans « Le Parisien » sur ses projets. « Le conseil que je donne dans cette période difficile est celui de discrétion », y détaille-t-il. « Les musulmans, comme tous les Français, doivent pouvoir pratiquer leur culte en toute liberté. Mais il faut aussi qu’ils comprennent que, dans l’espace public où se définit l’intérêt général, tous les citoyens doivent faire l’effort de recourir à la ‘raison naturelle’. »

Mardi, 16 août : Le candidat aux primaires de droite Bruno Le Maire publie un fascicule intitulé « 5 réponses pour vaincre le terrorisme ». Il y propose d’établir une « justice d’exception » pour faire face aux attaques. « Dans le cadre légal actuel, notre justice ne peut pas prévenir les actes terroristes : elle ne pourra que les condamner », explique la brochure. « Pour prévenir des actes exceptionnels, il faut une justice d’exception. »

Mercredi, 17 août : Manuel Valls déclare « comprendre » les maires – entretemps, ils sont cinq – qui interdisent le port du « burkini » sur les plages. « Les plages, comme tout espace public, doivent être préservées des revendications religieuses », dit-il. Qualifiant le « burkini » d’« archaïque », il s’oppose néanmoins à l’idée de légiférer sur le sujet. « La réglementation générale des prescriptions vestimentaires ne peut être une solution. »


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