Gavin Hood
 : Œillades mortelles

« Eye in the Sky » nous fait vivre de très près la guerre des drones – et démontre que les dilemmes moraux en temps de guerre restent les mêmes quoi qu’on fasse.

Pas si évident ce service de « Call A Drone »…

Pas si évident ce service de « Call A Drone »…

La journée s’annonce fructueuse pour le colonel Katherine Powell. Après une traque acharnée de plus de six ans, elle peut enfin mettre le grappin sur Susan Helen Danford, une citoyenne britannique convertie et radicalisée. À la tête de toute une machinerie militaire dans laquelle coopèrent les Américains, les Britanniques et les Kenyans, Powell a pour mission d’extrader la dangereuse terroriste d’une « safe house » à Nairobi, où elle a rendez-vous avec plusieurs autres cibles appartenant au groupe extrémiste Al-Shabaab, qui est en train de s’étendre dans toute la corne de l’Afrique.

Alors que les drones ne sont prévus que pour assurer le suivi visuel de l’opération d’extraction, cette dernière prend vite une autre tournure quand les terroristes se déplacent dans un quartier sous contrôle de leur milice. Une intervention militaire est alors exclue : trop dangereuse pour les soldats et les civils. Le déploiement d’un missile « Hellfire », tiré d’un drone de type « Reaper » et piloté depuis une base aux States, devient vite l’option vers laquelle tendent Powell et son supérieur le général Benson. Il ne leur reste qu’à convaincre les politiques, qui eux sont beaucoup moins enthousiastes à l’idée de faire sauter des citoyens britanniques et américains dans un pays ami qui n’est pas en guerre. De surcroît, l’apparition soudaine d’une jeune fille qui vend du pain au coin de la maison où les terroristes préparent manifestement un attentat-suicide pose la difficile question de la légitimité des dommages collatéraux…

« Eye in the Sky » est un faux film d’action. Car, même s’il est question de terrorisme international et que le spectateur devient témoin de l’une ou l’autre explosion, l’essentiel se déroule derrière des écrans. Donc de là où se fait la guerre à l’ère informatique. Les dilemmes dans lesquels cette guerre hautement technicisée met celles et ceux qui la mènent n’en sont pourtant pas moins présents. Au contraire : plus on sait, plus il est difficile de prendre des décisions.

D’autant plus que deux cultures – l’américaine et la britannique – se télescopent dans le processus de prise de décision. Tandis que les représentants des États-Unis ont établi des systèmes très simples et rapides, qui n’offrent qu’une appréciation très théorique des dommages collatéraux, les Britanniques se retrouvent déchirés entre l’aspect politique et l’aspect militaire de l’affaire. Faut-il laisser aux milices Al-Shabaab la victoire dans la guerre de la propagande en tuant une fillette pour éliminer des terroristes ? Ou faut-il tirer le missile pour éviter des attentats-suicides d’une plus grande ampleur ?

Si on ne sait pas quelle part de réalisme il y a dans la description des processus de prise de décision, le film se base néanmoins sur quelques éléments concrets. Ainsi, la cible Susan Helen Danford existe réellement. Samantha Lewthwaite de son vrai nom, cette Britannique convertie serait responsable de la mort de plus de 400 personnes dans divers attentats commis en Afrique et ailleurs, et se trouve sur les listes de tous les services de renseignement au monde. Moins réalistes sont peut-être quelques gadgets techniques dont font usage les services kenyans, comme ces microdrones en forme d’oiseaux ou d’insectes – et dont on ne voit pas vraiment l’utilité dans le déploiement de l’intrigue.

Néanmoins, « Eye in the Sky » est un film à voir absolument – ne serait-ce que pour les interprétations géniales d’Helen Mirren et du regretté Alan Rickman – parce qu’il ne fait pas la publicité de la guerre des drones, mais qu’il met le spectateur dans la peau de ceux qui doivent décider.

À l’Utopolis Kirchberg. Tous les horaires sur le site.

L’évaluation du woxx : XXX

https://www.youtube.com/watch?v=qiDE84TdJvA


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