George Clooney : Bourbier suburbain

« Suburbicon », est un projet à la traîne depuis 2005. Pourtant, la collaboration entre l’acteur-réalisateur Clooney et les frères Coen n’est pas à la hauteur de ses ambitions, malgré des décors et des acteurs plus qu’intéressants.

Il en prend plein la gueule : Matt Damon dans « Suburbicon ».

La banlieue pavillonnaire américaine est depuis longtemps au centre des fantasmes des réalisateurs hollywoodiens. Que ce soit pour y faire éclore des féeries surréalistes comme « Edward Scissorhands » de Tim Burton ou la transformer en cauchemar absolu envahi de zombies comme dans « Land of the Dead » de George A. Romero – et d’innombrables imitateurs –, elle est une surface de projection idéale.

Pourtant, dans « Suburbicon », le décor des pavillons bien comme il faut n’est pas le théâtre d’excès surréalistes, mais d’agissements très humains. Dans une Amérique idéalisée de la fin des années 1950, les maisons identiques et les rues proprettes entrent en ébullition à l’arrivée d’une famille noire, les Mayers. Vite, des barricades et des actions sont montées contre les intrus, qui se montrent particulièrement têtus. Leur fils, Andy, sympathise pourtant avec un garçon de son âge, Nicky Lodge – qui vit avec son père Gardner, sa mère Rose, handicapée après un accident de voiture, et la sœur jumelle de cette dernière, Margaret, qui lui administre les soins dont elle a besoin.

Alors que l’ébullition des conflits entre voisins va croissant, un crime atroce frappe la communauté. Les Lodge sont séquestrés à la maison et drogués au chloroforme, pendant qu’une bande de voleurs fait le tour de la maison. Déjà affaiblie, la mère de Nicky ne survit pas à son anesthésie involontaire. À partir de ce moment, le film va changer de perspective – le conflit racial est confiné à l’arrière-fond, et ce sont les intrigues de plus en plus inimaginables autour de l’assurance vie de Rose, auxquelles prennent part certains membres de la famille Lodge, qui sont mises en avant.

Comme toujours, les intentions étaient les meilleures. Mais comme si souvent aussi, trop d’ambition tue l’ambition. Et quand un acteur comme George Clooney prend place derrière la caméra, c’est qu’il veut prouver que lui aussi sait faire ce métier. Malheureusement, la trame de « Suburbicon » est tellement farfelue qu’après la première moitié du film, le spectateur ne sait plus où il en est.

En d’autres mots, « Suburbicon » veut être tout : film engagé contre le racisme, intrigue meurtrière raffinée qui, comme chaque intrigue depuis Macbeth, échappe à un moment aux conspirateurs – en voulant regagner le contrôle de la situation, ils ne font que l’empirer – et puis film de mafia dans le style du « Godfather ».

Ce qui est bien dommage, car le projet avait du potentiel. Évoqué une première fois en 2005 (encore avec Clooney en vedette et les frères Coen aux manettes : ceux-ci avaient commencé à travailler sur le scénario dès 1986), il a plusieurs fois été placardisé à cause d’emplois du temps trop chargés ou de manque de financement. Pour la réalisation de ce film, ce n’est pas l’argent qui manquait pourtant. Car déjà les cachets de Matt Damon, Julianne Moore et Oscar Isaac doivent avoir été assez élevés.

Et finalement, ce sont les acteurs qui sont le plus mis à mal par la surambition de Clooney. Malgré leur jeu excellent, Moore et Damon semblent par moments perdus dans leurs rôles respectifs, au point où on a envie de les plaindre. « Suburbicon » démontre donc aisément que même avec les meilleurs sentiments, on peut toujours rater son coup – même à Hollywood.

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