Ce n’est pas uniquement la musique grand public qui commence à renaître de ses cendres, mais aussi des sons plus exclusifs, comme ceux du M.A.D. Collective à l’Ancien Cinéma de Vianden.

Choisir De Chirico pour illustrer sa musique – une preuve que le M.A.D. Collective vise haut, très haut même. (© MAD Collective – Giorgio De Chirico)
Faire de la musique a des points de rencontre avec la philosophie, et la recherche peut mener à des résultats souvent intéressants. Mais ceux-ci ne sont que rarement de vrais plaisirs d’écoute : ils s’apparentent plutôt à des épreuves, même pour un public averti. Cela dit, on n’a pas toujours besoin d’écrire un « Quatuor à cordes hélicoptère », comme l’a fait jadis Karlheinz Stockhausen, pour combiner grandes visions et musique.
Le collectif M.A.D. en est la preuve vivante. Les initiales donnent le ton, car M.A.D. veut dire « Mutual Assured Deconstruction » et se base sur la question de la folie, qui ressurgit dans tous nos questionnements sociétaux. Sur leur site, les musiciens à la base du projet, le pianiste Filippo Deorsola et le saxophoniste Andrea Leone, s’expliquent : « M.A.D. met en avant le lien entre l’idée du miracle et celle de la folie. En effet, les deux brouillent les perceptions entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. On pourrait même dire qu’un miracle est la manifestation sociale et généralisée de la psychose collective, tandis que la folie est la manifestation individuelle d’une psychose causée par la société. »
Les musiciens posent donc la question de la folie et se demandent s’il ne leur faut pas être un peu M.A.D., donc prêts à se déconstruire mutuellement pour sauver leur lot de santé mentale. Ils rejoignent ici une des pensées de Blaise Pascal qui dit : « Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou, par un autre tour de folie, de n’être pas fou. »
Quant à la musique des deux jeunes artistes, qui collaborent à Rotterdam depuis 2019, elle se base – sans surprise – sur l’improvisation et le dialogue musical. L’inspiration est puisée dans les abysses de la musique classique contemporaine et dans le jazz, et Deorsola n’hésite pas à préparer son piano pour altérer les sonorités.
Une vidéo mise en ligne avant le confinement présente de façon un peu abstraite le travail des deux musiciens. Avec des images de balades dans des parcs et d’espaces urbains, les fonds théorique et musical se rejoignent. Le petit film d’un peu plus de cinq minutes est une plongée dans un univers de pensées et de musiques propre aux membres du groupe. Et le fait qu’ils ont mis une sonate de Scarlatti avant d’y introduire leur propre musique confirme qu’ils sont prêts à penser « out of the box ».
Quant à la musique elle-même, si elle peut être atonale par moments, il est cependant clair que le but du M.A.D. Collective n’est pas de tester jusqu’à quel moment le public pourra supporter une attaque de sons stridents sur ses tympans, mais plutôt de le prendre par la main et de l’emmener en voyage. Dans les années 2020, même l’avant-garde a donc profondément changé.
La performance à Vianden sera encore enrichie par la présence sur scène de deux musiciens luxembourgeois. Le jeune Mathieu Clement, ancien élève du conservatoire du Nord et déjà plus un inconnu du public, puisqu’il a collaboré avec presque tous les grands noms de la scène locale – dont Arthur Possing, Maxime Bender ou encore Claire Parsons – jouera avec eux le temps d’une soirée. Et une légende locale les rejoindra aussi en la personne du clarinettiste Michel Pilz, qui a commencé sa carrière impressionnante dans les années 1970 et dont la discographie excéderait les limites de cette page imprimée.
Bref, si vous êtes d’avis qu’un peu d’air frais entre vos tympans vous fera du bien, prenez la route de Vianden samedi !