« Stan & Ollie » est heureusement bien plus qu’une biographie filmée des deux comédiens de légende Stan Laurel et Oliver Hardy – c’est un regard dans les coulisses d’un business qui ne pardonne rien et l’histoire d’une vraie amitié.
Si la manie des dernières années de faire des biopics sur presque tout ce qui ne bouge plus est certainement due à un manque de fantaisie des scribouillards hollywoodiens, il reste encore des gens de l’autre côté de l’Atlantique pour extraire des perles de ce genre. Comme « Stan & Ollie », car on aurait aisément pu en tirer un film sur la gloire et l’ascension des deux comédiens issus du music-hall et du vaudeville et en faire un énième nanar sur l’Amérique-des-possibilités-infinies.
Mais le metteur en scène écossais Jon S. Baird a fait un autre pari. Au lieu de se cantonner aux bons moments de la carrière du duo le plus emblématique de l’histoire du film comique, il a choisi de montrer les deux hommes en vieux comédiens essayant par tous les moyens de remonter sur le devant de la scène. Au lieu des palmiers californiens, on voit Laurel et Hardy traverser les campagnes pluvieuses anglaises. Car c’est là qu’ils espèrent retrouver le chemin du succès – dans une tournée de music-hall à travers l’Angleterre avec l’espoir de faire un film, une adaptation comique de « Robin des Bois », à la fin de leur périple.
Affrontant d’abord des salles peu enthousiastes et plutôt vides, le duo voit les théâtres se remplir à mesure qu’il se prête aux extras de promotion. Donner la patte à tel maire en mal d’électorat, faire des photos publicitaires avec des gosses et autres flagorneries lui permettent en effet d’arriver à Londres et de remplir les salles. Mais c’est aussi le moment où la santé d’Oliver Hardy commence à décliner et où le délitement définitif du duo apparaît comme une fin inéluctable.
Disons-le d’emblée, ce film n’aurait pas pu se faire sans les deux comédiens de choc Steve Coogan et John C. Reilly en Laurel et Hardy. L’alchimie entre les deux acteurs est tout simplement parfaite, qu’ils jouent sur scène ou dans les moments plus intimes entre les deux hommes, qu’une réelle amitié a liés jusqu’au dernier jour. D’ailleurs, le vrai Stan Laurel n’a plus jamais joué après le décès de son autre moitié.
Peut-être est-ce dû à un parallèle biographique, car tout comme les acteurs qui les jouent, Laurel et Hardy étaient nés sur des continents différents. Stan Laurel, né à Ulverston dans le Lancashire, dans une famille d’actrices et d’acteurs, était l’intellectuel des deux – même s’il jouait l’idiot – et écrivait la plupart de leurs sketches. Il avait d’ailleurs traversé l’Atlantique une première fois dans le même bateau que son compagnon de troupe, un certain Charlie Chaplin. Oliver « Babe » Hardy, l’Américain, était par contraste de caractère plus fêtard et épicurien – ce qui n’a pas empêché les deux de collectionner les mariages et les divorces.
Finalement, « Stan & Ollie » est aussi un hommage poignant à l’art du vaudeville et des sketches visuels. Une profession plus vraiment honorée de nos jours et dont les prestations paraissent très faciles et naturelles à l’écran, mais sont en réalité le fruit de longues journées de travail. C’est un des mérites du film de laisser le public entrevoir à plusieurs reprises comment les sketches sont fabriqués et comment les deux comédiens travaillaient ensemble sur et derrière la scène pour minuter leurs apparitions.
Bref, « Stan & Ollie » est bien plus qu’une franche rigolade, mais un monument filmé érigé en l’honneur de deux personnes qui ont changé à tout jamais l’histoire du cinéma.
À la Cinémathèque.
L’évaluation du woxx : XXX