La politique étrangère de Macron
 : Dans le « command-car »

On le sait proeuropéen, mais que sait-on de plus sur les positions d’Emmanuel Macron en matière de politique étrangère et notamment de défense ?

C’est à bord d’un véhicule blindé de l’armée qu’Emmanuel Macron a effectué la traditionnelle remontée des Champs-Élysées, le jour de son investiture. (Photo : epa)

Le soir de son élection, Emmanuel Macron a fait son entrée en scène, au Louvre, sur fond d’« Hymne à la joie ». Moment largement remarqué et relayé par la presse internationale, clin d’œil à François Mitterrand qui avait fait de même, la mise en scène était destinée à faire passer un message fort : le quinquennat à venir sera placé sous le signe de l’Europe.

La première visite à l’étranger a d’ailleurs amené le tout nouveau président à Berlin, quelques jours après son investiture seulement. L’occasion de rencontrer la chancelière Angela Merkel et de dire sa volonté de « refonder l’Europe ». Une visite qui a d’ailleurs été couronnée d’un certain succès. Si le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble a tenu à rappeler à Macron les obligations de la France en matière de dette, Merkel a tenu des propos plus conciliants : ainsi, elle a affirmé que l’Allemagne ne s’opposerait pas forcément à un éventuel changement des traités. Une certaine marque d’ouverture, puisque la République fédérale a jusque-là réfuté toute idée de changement de ceux-ci.

Revitaliser le binôme franco-allemand afin de faire redémarrer l’idée européenne, voilà l’idée que Macron avait défendue lors de la campagne électorale. Une idée entérinée dès son investiture. Une Europe unie qui passe aussi par une « Europe de la défense » aux yeux du nouveau président.

Il appelle de ses vœux une « véritable autonomie stratégique européenne » en termes de défense. Ainsi, il a avancé l’idée d’un conseil de sécurité européen lors de sa campagne, sorte de quartier général destiné à « agir ensemble militairement lorsque cela est nécessaire ». « Notre sécurité ne saurait reposer sur la seule organisation qu’est l’Otan », a-t-il affirmé entre autres. Notamment à cause du souhait affiché du gouvernement des États-Unis de moins s’impliquer dans la défense européenne, Macron mise sur l’Europe. Il vise entre autres des programmes européens de recherche et de technologies militaires afin de réduire la dépendance aux approvisionnements militaires extraeuropéens.

Néanmoins, cette « Europe de la défense » que défend Macron et l’appartenance à l’Otan ne s’excluent en rien, au contraire : elles sont complémentaires aux yeux du nouveau président. Ainsi, il souhaite renforcer le rôle de l’Otan dans la lutte contre le terrorisme et les cybermenaces.

Une chose est claire : en matière de défense, il n’est pas question pour Macron de baisser la garde. Confronté à la menace terroriste, mais aussi à une situation géopolitique assez instable, le nouveau président a dès le départ multiplié les signaux en direction des forces armées – et de l’étranger.

Multiplication des signaux

Le jour de son investiture, il a fait la traditionnelle remontée des Champs-Élysées debout dans un « command-car » militaire. Un choix historique en quelque sorte – de Charles de Gaulle à François Hollande, tous les présidents de la Cinquième République s’étaient rendus à la tombe du Soldat inconnu dans une voiture civile. Le jour même de la passation des pouvoirs, Macron a tenu à rendre visite aux soldats blessés lors d’opérations extérieures.

Son deuxième déplacement à l’étranger – après Berlin – l’a mené au Mali, où des troupes françaises soutiennent les forces gouvernementales dans leur lutte contre des groupes armés djihadistes. Il y a confirmé la posture de la France, bien décidé à apporter une réponse militaire des plus fermes à toute menace terroriste – même s’il a aussi formulé des attentes à l’égard des alliés africains.

Parfois raillé pour son manque d’expérience sur les sujets régaliens, Emmanuel Macron semble vouloir remplir pleinement son rôle de chef des armées. Le fait d’avoir renommé l’ancien ministère de la Défense « ministère des Armées » le confirme : c’est le chef d’État qui est chargé des grandes questions stratégiques, et la ministre des Armées devra se contenter d’en surveiller l’exécution concrète. Mais c’est aussi un signal envers les forces armées : la nouvelle ministre sera à leurs côtés et entièrement dédiée à leur cause.

C’est que le mécontentement semble être à son apogée au sein de l’armée française. Depuis les attentats de 2015, 7.000 soldats sont en permanence mobilisés à l’intérieur du pays pour sécuriser des lieux potentiellement menacés. Des soldats d’ailleurs pris pour cibles dans des attaques terroristes à huit reprises depuis. L’intervention au Mali demande elle aussi son tribut : neuf militaires français y ont péri, 300 y ont été blessés. Sans parler de la participation de la France à la guerre contre l’« État islamique » qui, si elle n’a pas fait de morts côté français jusque-là, mobilise néanmoins une partie d’une armée déjà aux limites de ses capacités.

Que prévoit Macron en termes d’interventions militaires, extérieures comme intérieures ? Il dit vouloir « réexaminer » les engagements pris et, le cas échéant, en réajuster les « contrats opérationnels ». Néanmoins, il estime que l’intervention au Mali par exemple – l’opération Serval – était « indispensable ». Au vu des signaux envoyés lors de sa visite au Mali, un retrait des forces françaises ne semble pas à prévoir.

(Photo : © French Embassy in the US)

Détente franco-russe ?

Pour ce qui est de l’opération Sentinelle, destinée à protéger des lieux sensibles à l’intérieur du pays contre d’éventuelles attaques terroristes, elle devrait rester en place en même temps que l’état d’urgence jusqu’après les élections législatives de juin au moins. Mais à terme, là aussi, un « réajustement » s’imposera probablement.

Quant à la participation de la France à la coalition internationale contre l’État islamique, elle ne serait a priori pas du tout remise en question. Le président a affirmé à plusieurs reprises que la lutte contre le terrorisme islamiste serait la priorité absolue – prioritaire aussi par rapport à une possible destitution du dictateur syrien Bachar al-Assad.

La situation syrienne devrait d’ailleurs être l’un des points importants à aborder lors de la visite de Vladimir Poutine en France, le 29 mai. Le président russe sera à Paris à l’occasion de l’inauguration d’une exposition sur le tsar Pierre le Grand – exposition qui marquera le 300e anniversaire de l’établissement d’une ambassade russe en France par ce souverain qui avait, à l’époque, voulu ouvrir son pays à l’Europe.

Un choix symbolique donc que d’inviter Vladimir Poutine à cette occasion, et un moyen d’exprimer le désir, dans une certaine mesure, d’un « nouveau départ » des relations franco-russes. Des relations mises à rude épreuve par les visées expansionnistes du président russe en Crimée et dans l’est de l’Ukraine, par l’intervention russe aux côtés des troupes progouvernementales en Syrie, mais aussi par la posture très dure de la France sur ces questions. La dernière visite prévue de Poutine avait été annulée par le président russe lui-même en octobre 2016.

L’occasion donc, pour Macron, de se présenter en homme d’État capable de faire la part des choses et de jeter les bases du « nouveau départ » que semblent souhaiter autant lui que Poutine – même si la position du président français n’est pas encore tout à fait claire en ce qui concerne la Syrie par exemple.

Au cœur du quinquennat à venir

Tout comme celle concernant le Moyen-Orient en général. S’il s’est dit, à plusieurs occasions, « proche » de l’ancien ministre des Affaires étrangères – et premier ministre – Dominique de Villepin en la matière, les signaux qu’envoie Macron sont équivoques. Ainsi, cette proximité d’idées avec un Villepin assez « anti-interventionniste » en général – c’est lui qui avait exprimé le choix de la France de ne pas participer à la guerre en Irak en 2003 – est en contradiction avec, par exemple, la position influente du « néoconservateur » ambassadeur de France aux États-Unis Gérard Araud au sein de l’équipe de campagne de Macron.

D’ailleurs, le nouveau président a dit son souhait de vouloir examiner, avec les partenaires européens et nord-africains de la France, « les modalités du renforcement de [leur] action en vue du redressement des institutions libyennes et notamment d’une armée capable de défaire les terroristes ».

Quoi qu’il en soit, Emmanuel Macron a déjà fait part de sa volonté de porter le budget de la défense de 32 milliards d’euros en 2017 à 50 milliards d’euros en 2025. Si, dans une politique étrangère potentiellement influencée par les idées d’un Villepin, la France miserait plus sur la diplomatie que sur les interventions armées, elle serait néanmoins d’autant plus prête à agir dès que cela serait jugé nécessaire. Par ailleurs, Macron, pour qui les forces armées doivent être capables de « défendre l’existence même de la nation », prévoit de procéder au renouvellement d’une partie de la force de frappe nucléaire.

Difficile de dire pour l’instant quels seront les tenants et aboutissants concrets de la politique étrangère du nouveau président. Les prochaines semaines, qui verront donc Vladimir Poutine débarquer à Paris, mais aussi Emmanuel Macron participer au sommet de l’Otan à Bruxelles, en donneront certainement un aperçu. Ce qui est sûr en revanche, c’est que les questions régaliennes et notamment celle de la défense seront au cœur du quinquennat à venir.


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