Lars von Trier
: His Brain Is Squirming 
like a Toad


Dans « The House That Jack Built », le réalisateur et enfant terrible Lars von Trier se lance à la poursuite d’un tueur en série – pour finir avec une méditation cinématographique sur le mal magistrale.

Jack célébrant son art… (Photos : outnow.ch)

Le thème du tueur en série fascine la littérature policière tout comme le cinéma depuis des décennies. Ces personnages dépourvus d’empathie, mais regorgeant de rage sont aussi attirants pour le côté voyeur de notre psyché collective qu’ils sont repoussants quand on en vient aux faits purs et durs. Et quand quelqu’un comme Lars von Trier s’y met, le pur et dur ne se fait pas attendre longtemps.

Découpé, comme d’habitude, en cinq chapitres (ou « Incidents »), « The House That Jack Built » est une vraie épreuve physique à voir. On y suit sans surprise la « carrière » de Jack (joué par un Matt Dillon surprenant de froideur), le tueur en série modèle, déjà en manque d’amour et de tendresse pendant son enfance, où il coupe les pattes d’un caneton pour voir s’il peut encore flotter. Pour Jack, tuer et prendre des photos de ses victimes déformées est plus qu’un assouvissement de pulsions hors contrôle : c’est de l’art. Un art qu’il aime perfectionner à mesure qu’il avance dans sa voie ensanglantée. Un art aussi qui semble l’aider à surmonter ses propres difficultés. Ainsi, les troubles obsessionnels compulsifs et les manies dont il souffre depuis qu’il sait penser s’affaiblissent à force de tuer – ce qui le rend aussi moins regardant en ce qui concerne l’effacement de ses traces.

Mais la police restera le moindre de ses problèmes, vu qu’on est chez Lars von Trier et pas dans un psychothriller américain où les méchants se font toujours prendre ou pendre. Au contraire, pour étoffer son film, von Trier adjoint un autre personnage, appelé Verge (magistral Bruno Ganz), mais qui correspond au poète Virgile de la Rome antique. Même si dans le cadre de ce film, il prend le rôle que lui a affublé Dante Alighieri dans sa « Divine Comédie » – celui de guide à travers le purgatoire et l’enfer.

Tandis que le dialogue reste en off pendant l’action, Verge apparaît physiquement au moment où Jack n’a plus le choix, et l’emmène en enfer. À partir de ce moment, le film prend une tout autre tournure et devient carrément un manifeste surréaliste et poétique. Gros contraste avec ce qui précédait, où l’ultraviolence est montrée du point de vue de son auteur et semble assez librement inspirée du roman « Killer on the Road (Silent Terror) » de James Ellroy. Ici, caméra à l’épaule et tableaux kitsch classiques alternent, avant un finale situé dans un décor digne du « Lord of the Rings ».

Bien sûr qu’on reprochera à Lars von Trier de chercher le scandale, de vouloir choquer en exposant le public à des images d’une violence souvent insoutenable. Mais il n’est pas Quentin Tarantino : tandis que chez ce dernier une cervelle explosée fait le bruit d’un popcorn, von Trier montre les réelles conséquences d’une balle dans la tête d’un enfant. Il n’esthétise pas la violence, il ne la célèbre pas, mais il la donne à voir, crue et cruellement. C’est pourquoi le regard n’est aucunement choqué par des images documentaires sur les camps de concentration et autres génocides du 20e siècle que le metteur en scène a insérées dans la première partie du film, pendant les dialogues en off entre Jack et son guide vers les Ténèbres.

Bref, « The House That Jack Built », c’est du lourd, mais c’est aussi la preuve que le cinéma a encore des réalisateurs qui sortent des sentiers battus à la recherche d’un nouveau langage des images. Si vous avez le courage, affrontez ce film, il en vaut la chandelle.

À l’Utopia. Tous les horaires sur le site.

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