La question du logement nous met face à rien de moins que l’identité du Luxembourg et la forme du bien-vivre qu’il veut mettre en avant.
Le constat n’est pas nouveau : alors que le Luxembourg affiche une croissance enviable de près de 4 % par an et draine les salariés de toute la Grande Région, le logement abordable y fait cruellement défaut. Et loin de ne concerner qu’une poignée de gens indigents que la caste politique devrait tenir à l’œil, de peur qu’ils ne votent trop à droite, la question du logement touche au cœur même de nos projets de vie, à la manière dont d’abord nous voulons dépenser notre argent, mais aussi à ce qui pour nous, sur un plan intime, a réellement de l’importance. Car l’effet d’éviction qui caractérise le marché du logement se fait également sentir dans nos vies à travers cette façon insidieuse qu’a le Luxembourg de nier ce qu’il y a en nous de singulier et d’empêcher les projets de tous ceux et celles qui vivent d’après d’autres principes ou priorités.
S’il n’est pas possible de vivre avec moins au Luxembourg et d’exercer son « droit à la ville » (Henri Lefebvre), c’est que notre être tout entier ne trouve pas sa place dans ce pays. Par conséquent, la question du logement révèle bien plus qu’un manque de vision de la part des politiques : il est l’illustration de ce qu’on pourrait nommer la mort luxembourgeoise – la façon qu’a ce pays d’étouffer dans l’œuf ce qui est différent. La preuve aussi de sa petitesse, de son manque de générosité et d’imagination, de son provincialisme – la cause pour laquelle nos meilleurs artistes vivent à l’étranger et le signe par conséquent d’une tendance anticulturelle fondamentale.
Capitale du néant
Sans oublier le nombrilisme affligeant qui caractérise les discussions à ce sujet. Comme si le Luxembourg n’avait pas depuis longtemps exporté le problème de la cherté du logement bien au-delà de ses frontières, dans les régions voisines. Comme s’il n’y avait pas à l’œuvre un phénomène de métropolisation qui affecte la vie de bien plus de gens que ne le croient nos politiques, soucieux/euses de se faire réélire. Or c’est tout l’attrait de la Grande Région qui s’y joue, ainsi que la question de savoir si le Luxembourg est davantage qu’un « lovely quiet rose–growing part of dirty old Europe » (James Joyce) ou une puissance à hauteur de ses ambitions. Autrement dit si le Luxembourg a à offrir davantage que le projet provincial réalisé à partir de l’argent des autres. S’il est digne de ce vol. S’il est Venise ou seulement capitale du néant.
Car qu’est-ce qui fait les grandes villes, si ce n’est la capacité à imaginer la ville comme bien commun, le goût de voir ses habitants s’épanouir et la prévoyance de faire tout pour le rendre possible ? Il ne suffit pas, comme le disent même nos syndicats, de redistribuer la richesse pour se tirer d’affaire. Mais il faudrait pour cela une vision, unique et inouïe, une certaine grandeur, sans laquelle on ne dépassera jamais la médiocrité, l’entre soi, le sous-entendu, la froideur stérile.
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