Le woxx, avec ses partenaires médiatiques Süddeutsche Zeitung, Le Monde, El Mundo et Irpi, s’est remis à la collaboration internationale pour regarder dans les coulisses de la place financière. Avec les Luxletters, il se pourrait que le grand-duché s’attire l’ire de Bruxelles.
Le soupçon est scandaleux en soi : l’administration fiscale luxembourgeoise aurait-elle favorisé un écosystème où de riches investisseurs-euses ou des multinationales pourraient toujours bénéficier de la sécurité d’un tax ruling sans que ce dernier soit échangé avec les autres pays européens – comme le veut la directive DAC3, transposée au Luxembourg en 2016 ? Par le truchement d’« information letters », comme l’ont rapporté plusieurs sources qui ont vu la pratique, une certaine sécurité serait vendue par les cabinets d’audit et certains cabinets d’avocats fiscalistes à leur clientèle. Certes, ces lettres « magiques » n’auraient pas la force de rulings, car elles ne sont pas contestables en justice – et selon nos informations aucun procès au Luxembourg n’a été mené sur base de ces documents. Pourtant, l’assentiment tacite de l’administration fiscale vaudrait, selon plusieurs témoignages, acceptation du schéma fiscal, et cela parfois pour des durées de cinq ans. Tout comme pour les rulings.
Les recherches qui ont amené au projet Luxletters ont entraîné des premières réactions. Ainsi, Markus Meinzer, directeur et principal chercheur du « Financial Secrecy Index » à l’ONG Tax Justice Network (TJN) (organisation qui a aussi épaulé les recherches) commente : « Ces révélations choquantes clarifient que le Luxembourg a délibérément conspiré avec des fiscalistes professionnels pour entraver la législation européenne. Ce n’est pas un secret que l’échange d’informations dans le but de réduire des abus par le moyen d’accords fiscaux est trop faible – comme la Cour des comptes européenne l’a déjà souligné en janvier 2021. Mais ce qui apparaît au grand jour maintenant est complètement différent. Avec la pratique des ‘information letters’, le Luxembourg pourrait ne pas uniquement briser la loi européenne, mais aussi la sienne directement. Parce que tous les accords fiscaux – même s’ils ne sont manifestement pas soumis à la contrainte légale – doivent être échangés avec les administrations fiscales européennes. »
Liz Nelson, directrice justice fiscale et droits humains à TJN, pointe encore une autre dimension de Luxletters, qui si de telles pratiques sont réelles et fréquentes, serait tout aussi grave : « Pendant une pandémie globale où les systèmes de santé publics commencent à céder sous la pression dans les pays riches et pauvres, il est simplement inadmissible qu’un des pays les plus riches du monde continue d’attirer en secret des revenus fiscaux de tous les côtés. Notre analyse montre que le Luxembourg impose des pertes de revenus au reste du monde équivalant aux salaires annuels de plus de deux millions de personnes dans le secteur des soins infirmiers, ou assez pour couvrir plus d’un tiers des 66 milliards d’euros nécessaires à la vaccination mondiale contre la Covid-19. »
Bref, la nouvelle stratégie de nation branding ne changera pas grand-chose à l’image du pays tant que de telles pratiques douteuses, ou des doutes sur de telles pratiques, subsistent.
Les communiqués de presse de TJN et The Signals Network. Et le communiqué du ministère des Finances.
Das könnte Sie auch interessieren:
- Podcast: Am Bistro mat der woxx #149 – D’Affär Luxletters erkläert
- Impôt minimal global : L’heure de vérité s’approche
- Échanges en matière fiscale : Luxembourg très demandé, pas très demandeur
- État des lieux de la justice fiscale : le grand-duché qui valait 27,6 milliards
- Irlande : Le Tribunal de l’UE exonère Apple