Notre conseil de série : The Spy

Depuis septembre 2020, Netflix propose une série française réalisée par l’excellent Gideon Raff, qui n’en est pas à son coup d’essai dans le registre du thriller (on lui doit « Hatufim » et son adaptation « Homeland »). « The Spy » est une minisérie de six épisodes basée sur le livre « L’espion qui venait d’Israël ».

Subtil et agile dans son rôle, Cohen marque la série de son empreinte. (Photo : Allociné)

Côté intrigue, il y avait déjà de quoi faire, tant l’histoire du véritable Eli Cohen (personnage principal) est romanesque. Espion surdoué du Mossad déployé en Syrie dans les années 1960, l’agent s’est révélé d’une efficacité à toute épreuve, et on lui attribue communément un rôle déterminant dans la victoire d’Israël lors de la guerre des Six Jours. La série suit de près son référent historique et dépeint la transformation de Cohen en Kamel Amin Thaabet, sa couverture à Damas. Kamel est un riche et entreprenant businessman syrien qui désire plus que tout prouver à son pays son allégeance et sa loyauté. Dans l’ombre, Cohen transmet de nombreux renseignements à Israël et se rapproche jour après jour des personnalités politiques dominantes d’une Syrie alors en pleine effervescence.

Malgré une base historique riche et mouvementée, la création de Gideon Raff donne dans le classique, tant dans sa narration que dans les dialogues, qui ne brillent pas toujours. On peut grossièrement diviser la série en deux fils narratifs complémentaires : le premier suit l’infiltration de Cohen en Syrie, et l’autre, nettement plus terne, met en scène sa femme et ses deux filles restées en Israël et qui vivent dans le mensonge fomenté par le Mossad – pour elles, Cohen est un simple attaché diplomatique toujours en déplacement. L’écart de qualité entre les deux projets est plutôt conséquent, surtout quand on ajoute aux scènes familiales une vague attirance de la part de l’officier responsable de Cohen envers la femme de ce dernier, romantisme surfait qui n’apporte strictement rien au scénario et qui n’est pas sans amener son lot de scènes lentes et franchement dispensables.

De l’autre côté du masque, Kamel apprend vite à faire ses preuves du côté des hautes figures syriennes, tout en restant soigneusement attaché à sa couverture. La force de cette minisérie réside dans sa manière de montrer la progression de l’espion dans son activité périlleuse, mais également l’irrévocable disparition de l’identité de Cohen au profit de Kamel Amin Thaabet, tant les enjeux sont grands. Sa mission s’étale sur plus de trois ans, presque sans voir sa famille. Plus le temps passe, plus la couverture et la réalité s’entremêlent, et plus Eli se rapproche de Kamel. Si les renseignements qu’il transmet en morse au Mossad sont d’une valeur sans précédent, son infiltration va toujours plus loin, et au gré des fêtes qu’il organise dans son appartement à Damas ou des visites militaires du côté de la frontière, il affirme toujours plus son rôle dans le parti politique syrien Baas, qui fomente un coup d’État. Gideon Raff n’a certes pas son pareil pour mettre en scène les sacrifices individuels au profit d’une cause politique, et « The Spy » ne déroge pas à la règle. Chaque épisode est en quelque sorte le récit d’une perte d’identité et de repères qui ne laissera pas indifférent-e.

Les deux premiers épisodes ne sont pas les meilleurs et risquent parfois de lasser. En revanche, Gideon Raff garde le meilleur pour la fin, et l’intensité double le poids dramatique pour un finale particulièrement réussi. Si l’on peut aussi râler quant à certains dialogues peu recherchés ou quant à quelques personnages dont l’écriture ne vous laissera pas un souvenir impérissable, les meilleurs morceaux de la série brillent tant qu’on est tenté-e de pardonner les écarts précédemment mentionnés.

Toutefois, il fallait pour cette série un acteur à la hauteur du personnage ambigu et haut en couleur d’Eli Cohen. Sacha Baron Cohen, que l’on connaît surtout pour ses rôles bouffons et satiriques (« The Dictator », « Borat », « Ali G ») donne ici dans le dramatique, et c’est un événement en soi tant la différence d’interprétation est grande pour le Britannique. Et il faut reconnaître que son travail est absolument convaincant. Toujours juste et subtil, aussi fragile dans le domaine privé et familial que flamboyant dans les réunions mondaines et politiques, Sacha Baron Cohen donne à voir toute l’étendue de son registre et signe une interprétation remarquable qui lui a valu le Golden Globe 2020, bien mérité ! Il porte à bout de bras ce qui serait une série somme toute assez générique et lui apporte une profondeur sensible. Tout se joue dans son regard et dans la palette d’émotions qu’il parvient à rendre manifestes. Une très grande performance.

Disponible sur Netflix depuis
 septembre 2020.

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