Sur Netflix : The Crown

Disponible sur Netflix depuis le 15 novembre dernier, la saison 4 de « The Crown » dépeint les drames et déboires de la famille royale durant l’ère Thatcher, et marque l’apparition très attendue de Lady Diana.

Josh O’Connor excelle dans l’art de rendre son personnage si détestable. (Photo : AlloCiné)

« The Crown », c’est 40 ans de règne d’Elizabeth II, de 1947 à 1990 adapté en série par le créateur et scénariste Peter Morgan. Alternant moments d’histoire, intrigues politiques et enjeux personnels autour de la famille royale, « The Crown » a conquis un très large public à l’international en proposant un contenu riche, sobre et historiquement engagé. La fresque souligne les instants de grâce comme les échecs de la couronne britannique, en plus de permettre aux acteurs d’un casting trois étoiles d’incarner ces figures célèbres qui fascinent tant. Les décennies illustrées saison après saison donnent à voir les voyages dans le Commonwealth, les relations diplomatiques complexes de l’Angleterre, et les enjeux dynastiques attachés à la survie de la monarchie.

Le couple royal est successivement interprété par deux duos d’acteurs, la remarquable Claire Foy et le talentueux Matt Smith, pour les saisons 1 et 2, puis c’est au tour d’Olivia Colman et de Tobias Menzies d’incarner les souverains dans leur maturité. Deux époques, et quatre personnalités qui laissent à chaque fois une empreinte sur notre perception du couple royal. Représenter autant d’années et d’événements divers, parfois tragiques, relève du coup de maître, et l’équipe de « The Crown » réussit notablement cet exercice si difficile. La matière historique est plus présente dans les deux premières saisons, tandis que les deux dernières font la part belle aux développements familiaux et à la préparation de la succession monarchique. Or, c’est justement cette ambivalence entre affaires privées et enjeux publics qui donne toute sa saveur à la série, et les acteurs parviennent toujours à donner cette impression de grandeur politique et en même temps d’humanité fragile dans leurs cercles privés.
Mais « The Crown » parvient également à représenter de manière saisissante les protocoles et exigences souvent épuisants de la couronne, jusqu’à montrer comment la tension politique peut briser l’individu. Elizabeth doit maintenir cohésion et discipline aussi bien dans le royaume que dans son foyer, et cette difficulté surhumaine est à chaque fois parfaitement illustrée par le jeu d’acteur, qu’ils s‘agisse de Claire Foy ou d’Olivia Colman, chacune à sa manière. Les relations familiales bénéficient de la même qualité dans leur incarnation ; tant Philip que Margaret, la sœur de la souveraine, ou encore Charles, prince-héritier, évoluent et grandissent aussi bien dans la réalité que dans la série. Les décors, enfin, sont marqués par les autorisations nombreuses obtenues par Peter Morgan pour faire vivre les événements dans les lieux historiques correspondants. Les spectateurs auront donc le privilège de parcourir, visuellement, les couloirs de Buckingham Palace, de Windsor Castle, ou bien du célèbre 10 Downing Street. Inutile de préciser que l’esthétique de la série doit beaucoup à ces lieux iconiques en termes de vraisemblance et de grandeur.

Est-ce donc à dire que « The Crown » est une réussite sur tous les plans ? Non, et la quatrième saison confirme malheureusement une certaine tendance à l’irrégularité observée depuis la précédente. Les deux premières brillent par leur cohérence, et par l’homogénéité dans la qualité. Chaque épisode contient son lot de rebondissements, et les affaires politiques occupent une large place. Or, dès la troisième saison le focus se déplace vers les relations familiales et l’évolution tumultueuse du prince Charles. L’intention en est tout à fait louable, et les épisodes de la saison 3 consacrés au Pays de Galles et à l’apprentissage de Charles sont excellentes. Cependant, la saison 4 marque un tournant en ceci que les événements politiques et diplomatiques sont carrément relégués à un plan inférieur. Ainsi, la grave crise économique qui a laissé le Royaume-Uni au bord de la guerre civile dans les années 1970 n’est que peu abordée. Il en va de même pour le soulèvement de l’armée de libération irlandaise. Même l’assassinat de Louis Mountbatten est expédié en quelques images. Ces tensions difficiles amènent une grande figure au pouvoir, et c’est l’actrice Gillian Anderson qui interprète avec brio Margaret Thatcher, la Dame de Fer aux commandes du pays durant onze années.

On touche ici du doigt le principal point faible de cette dernière saison. La politique et la diplomatie du Royaume-Uni sont réduits à une rumeur en arrière-plan, et la famille royale occupe vraiment tout l’écran. De fait, les quatre premiers épisodes sont même d’une lenteur et d’une complaisance assez étonnantes. La première femme à diriger Downing Street souffre du peu de temps qu’on lui accorde. En revanche, il faut souligner la critique extrême adressée à la famille royale à travers « The Crown ». Qu’il s’agisse des épisodes cinq et sept, résolument inspirés par le cinéma de Ken Loach, qui montrent parfaitement l’opposition entre la décadence de la cour et les misères noires du peuple. Ou, bien évidemment, de l’inhumaine dureté dont ont fait preuve les membres de la famille royale envers Lady Diana, la tragédie humaine s’exprime (enfin) à partir du cinquième épisode qui agit comme un tournant profond dans la saison. Regrettons donc le temps qu’il aura fallu pour que « The Crown » s’attaque frontalement aux vices qui entachent encore aujourd’hui l’image de la monarchie anglaise.

Disponible sur Netflix depuis le 15 novembre.

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