Omniprésent en catimini, mais tabouisé dans les discours : combien y a-t-il de populisme de droite, voire d’extrême droite dans le camp du « non » ? Une question sans réponse univoque.
Il y a dans les discussions autour du référendum et surtout dans celles qui concernent le droit de vote des étrangers une affirmation que le camp du « oui » aime insinuer, mais rarement à haute voix : le « Nee 2015 » est populiste, et, encore plus, il est de droite, voire d’extrême droite. Qu’en est-il véritablement ?
Sans vouloir entrer dans les polémiques des uns ou des autres, il convient ici non d’analyser les arguments des nonistes, mais de voir comment ils les articulent et quelle image ils veulent voir véhiculée de leur camp dans le public. Mais d’abord, il faut aussi définir le populisme – qui est devenu ces derniers temps une accusation un peu « cheap » sur les bords. Le populisme présuppose toujours l’existence de deux camps : le « nous » d’en bas, qui représente le peuple pur, les gens considérés comme « normaux », et le « eux » d’en haut, qui évoque élite corrompue et manipulatrice – celle qui travaille contre le peuple tout en lui suçant le sang. Dire que cette sorte de discours est propre à l’extrême droite est un leurre, car elle est aussi bien utilisée à gauche et même – en cas de campagne électorale – par tous les partis en lice.
Pourtant, cette séparation de la sphère publique en des régions pures et impures n’est pas de nature à refléter la réalité. Certes, des élites corrompues existent partout dans le monde, mais les opposer à un peuple uni dans sa « pureté » est évidemment une vision réductrice et dangereuse, puisqu’elle refuse une réalité autrement plus complexe.
Dans le cas du « Nee 2015 », plusieurs marqueurs de populisme apparaissent dès la naissance du mouvement. Car qui ne veut pas admettre que sa vision du monde est réductrice a d’abord intérêt à faire en sorte que la contre-parole n’ait pas droit de cité. C’est ce qui s’est passé avec les attaques contre la plate-forme « Minté », dont le « Nee 2015 », épaulé par l’ADR, avait cru bon vouloir interdire la prise de parole publique, puisqu’y figuraient aussi des associations subventionnées par l’État, et qui en plus ne s’étaient pas exprimées de manière unanime pour le oui. La pression politique avait même fait reculer l’Ugda, malgré le travail d’intégration opéré par toutes les associations réunies sous son toit. En même temps, le « Nee 2015 » a dévoilé sa position préférée : celle de la victime permanente de l’élite qui ne veut pas la laisser parler et qui dénigre ses arguments – alors que c’est le contraire qui est vrai.
Toute contradiction est un sacrilège
Cette attitude s’est prolongée lorsque des médias, le Wort en premier lieu, ont commencé à s’exprimer pour le oui. Même galimatia : les médias sont subventionnés par l’État, et devraient donc respecter une stricte neutralité. Ce qui est une idée plus que saugrenue. Si tous les médias se devaient de rester neutres, un seul journal suffirait pour tous les pays. Mais, pour les nonistes, toute expression qui n’est pas conforme à la leur est un sacrilège et soumet l’émetteur directement au soupçon de travailler secrètement pour l’« élite ».
La discrimination de l’altérité n’est pas uniquement réservée aux médias et aux associations, elle s’étend même aux artistes, comme en a témoigné le « shitstorm » à l’adresse de l’acteur Germain Wagner quand celui-ci s’est engagé publiquement pour le « Jo ».
Au-delà de l’essai d’empêcher le camp adverse de s’exprimer, le « Nee 2015 » pratique aussi le dénigrement systématique de toutes les opinions qui ne servent pas sa cause. Le meilleur exemple en est la réponse de Fred Keup à l’activiste Mil Lorang dans le Wort, où il traite Lorang de lunatique voire de fou.
Néanmoins, c’est en parcourant les commentaires sur la page Facebook du « Nee 2015 » qu’on touche réellement le fond. Les théories conspirationnistes à l’égard de la plateforme Minté et de l’Asti ne sont pas uniquement dépourvues de tout fondement – comme si l’Asti contrôlait le gouvernement et poursuivait un plan diabolique pour soumettre une fois pour toutes les Luxembourgeois au diktat des étrangers – mais clairement dangereuses. Alors qu’a été prononcée la condamnation à des peines de prison – partiellement fermes – de deux militants d’extrême droite pour avoir menacé de mort la présidente et l’ex-président de l’Asti, le « Nee 2015 » n’a rien d’autre à faire que de mettre encore de l’huile sur le feu.
Le fonctionnement de la campagne du « Nee 2015 » est donc purement populiste. Et cela se remarque même dans ses arguments – alors que Keup, au moins, sait pertinemment que certaines de ses assertions sont purement et simplement fausses -, et nous ne parlons pas ici des scénarios d’horreur qu’il évoque et des spéculations sans fondement sur ce qui se passerait en cas de « Jo » : il n’hésite nullement à les répéter à chaque occasion. Alors que leur fausseté a été constatée dans plusieurs publications, dont la lettre ouverte de Michel Pauly dans le Wort.
Cela fait-il de tous les nonistes des racistes ou des populistes d’extrême droite ? Certainement pas. Pourtant, en promouvant leur cause de façon à ne pas accepter l’altérité de leurs opposants, en tolérant des contributions ouvertement racistes et conspirationnistes sur leurs pages, ils ont ouvert un grand boulevard à des idées dangereuses et révélé une véritable fracture dans la société luxembourgeoise.
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