Relativité : La réforme des pensions et Einstein

Martine Deprez a présenté ce 12 février la seconde phase de « Schwätz mat », la consultation sur l’avenir du régime des pensions du privé. La ministre de la Sécurité sociale a confirmé à cette occasion qu’une réforme sera adoptée dès cette année, arguant d’une urgence que ne voient pas forcément ses fonctionnaires.

(Photo: Fabien Grasser)

La rue Albert Einstein se trouve à un jet de pierre du ministère de la Santé et de la Sécurité sociale, dans le quartier de la Cloche d’Or. Peut-être bien est-ce cette proximité avec le nom de l’illustre père de la théorie de la relativité qui inspire à Martine Deprez une vision très relative du temps lorsqu’il s’agit des pensions. Ce mercredi 12 février, la ministre de la Sécurité sociale a présenté à la presse les détails de la deuxième phase de consultation destinée à « pérenniser » le système de retraite du secteur privé. Selon l’Inspection générale de la sécurité sociale, il est menacé de déséquilibre en 2027.

L’avis du grand public sera à nouveau sollicité sur un site internet dédié, mais il faudra faire vite et répondre avant le 9 mars. Pas de prose libre cette fois, mais la validation ou non de propositions, éventuellement assorties d’un commentaire, telles que : « Réduire les prestations de retraite pour assurer la viabilité du système est un choix adéquat pour maintenir la solidarité intergénérationnelle. » Un intitulé ne ménageant guère de doute sur l’orientation du gouvernement, qui veut favoriser les plans retraite vendus au tarif fort par le secteur des assurances privées, tel que le stipule l’accord de coalition entre les lignes.

Après le grand public, place aux « experts », c’est-à-dire des spécialistes, des député·es, des syndicats, des patrons ou encore des organisations de jeunes, qui analyseront les résultats de cette consultation et poursuivront le débat sur l’avenir du régime. Et ensuite ? « Ce sera aux politiques de prendre leurs responsabilités, de proposer un projet de loi, qui sera débattu et éventuellement amendé à la Chambre », précise Martine Deprez au cours d’une conférence de presse menée au pas de charge (25 minutes, questions des journalistes comprises). Affirmant une nouvelle fois que le gouvernement n’a aucune position arrêtée sur le sujet, la ministre souligne l’urgence d’agir pour mener cette réforme que ni le CSV ni le DP n’avaient annoncée dans leur programme politique en 2023, par crainte d’en faire un repoussoir électoral.

Prendre le temps en se dépêchant

Tout va donc aller vite, et c’est bien cela que lui reprochent les syndicats, alors que l’OGBL et le LCGB viennent de se constituer en « front syndical uni » pour contrer cette réforme et les autres attaques menées par le gouvernement contre les acquis sociaux. Les organisations syndicales se disent ouvertes à la discussion si elle porte sur une amélioration du régime en faveur des bénéficiaires. Elles estiment néanmoins qu’il n’y a aucune urgence, notamment en raison des considérables réserves du Fonds de compensation, qui ont encore gonflé de près 3 milliards d’euros en 2024. « Les syndicats ont parfaitement raison de dire que nous devons prendre le temps de la réflexion, mais nous ne devons pas non plus en perdre, car l’évolution d’un régime de retraite doit se penser sur 40 ans. Il faut donc faire vite », soutient la ministre. Sans attendre ne serait-ce qu’une année supplémentaire, avant de décider ? « Non », tranche-t-elle. En somme, il faut se donner tout le temps nécessaire, à condition de faire au plus vite… La quatrième dimension est décidément un mystère.

Dans un échange avec le woxx, deux hauts fonctionnaires de la Sécurité sociale partagent, sous couvert de l’anonymat, l’analyse du gouvernement sur la nécessité de réformer le système, dont ils estiment qu’il sera à terme confronté à un déséquilibre, avec des recettes en baisse et des prestations en hausse. Ils invoquent une croissance économique « dont la trajectoire n’est plus aussi bonne qu’elle l’a été par le passé ». Les précédentes prévisions catastrophistes avancées ces dernières décennies se sont révélées inexactes, car « nous avons eu de la chance », argumentent-ils, citant pêle-mêle l’arrivée des fonds d’investissement américains dans les années 1980 ou, plus récemment, le Brexit, qui aurait également renforcé ce secteur vital de l’économie luxembourgeoise. Sur le timing, leur vision diverge cependant avec l’empressement de leur ministre : « L’évolution d’un régime de retraite doit être considérée sur 40 ans, et l’on n’est donc pas à une année près pour le réformer. » Fichue relativité.


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