Rian Johnson
 : La Force serait-elle de gauche ?

Après des campagnes de teasing à la limite du soutenable, le nouveau « Star Wars 8 – The Last Jedi » a polarisé les audiences. Surtout à cause de ses choix de personnages, qui laissent entrevoir une dimension politique nouvelle dans la saga intersidérale.

Personnage presque shakespearien : Adam Driver dans le rôle de Kylo Ren.

Même si vous avez raté le ou les derniers épisodes de la saga, il suffit de vous rappeler qui est le père de Luke Skywalker (le méchant Darth Vader) et qui est sa sœur (la gentille princesse Leia, qui désormais est générale de la Rébellion) et c’est dans le sac. Certes, certains personnages nouveaux croiseront votre chemin, comme le fils de Leia et de Han Solo, prénommé Ben, mais qui se fait appeler Kylo Ren depuis qu’il a rejoint le côté obscur de la Force, et Rey – son antagoniste et apprentie chevalière Jedi.

Bref, le film se situe après la chute de l’Empire intergalactique. Sur ses cendres s’est formée une nouvelle armée fascisante, le First Order, qui se base toujours sur le côté obscur de la Force. Tandis que la Rébellion, vieillissante et aux prises avec ses propres contradictions, patauge un peu et bat surtout en retraite devant la puissance grandissante du First Order. Ce qui donne lieu à quelques batailles intergalactiques comme on les aime dans la franchise Star Wars, dès les premiers instants du film. Et puis… pour éviter trop de spoilers, on va tout simplement arrêter ici de raconter le film – qui en vaut la chandelle pourtant.

Car « Star Wars 8 », en tant que film intermédiaire entre le début des sequels et la fin de la série prévue avec le neuvième film, a tout de même réussi à bouleverser la galaxie des fans amoureux du « space opera ». Cela pour plusieurs raisons. À commencer par les « méchants » : même s’ils semblent posséder l’avantage tactique et physique, la Force ne semble plus leur procurer de bonheur. Il y a bien sûr le nouveau méchant suprême Snoke, qui n’a vraiment pas le panache de l’Empereur dans la saga originale. Et puis le personnage du parricide Kylo Ren (oui, il a zigouillé son père Han Solo dans le dernier épisode), qui ne sait pas encore de quel côté de la Force basculer. Ses déchirements intérieurs l’empêchent souvent de prendre des décisions à des moments tactiques. Ce qui lui conférerait de la faiblesse si le personnage n’était pas incarné par le sublime Adam Driver, qui lui donne une dimension tragique presque shakespearienne.

Face à l’univers cent pour cent masculin du First Order, la Rébellion s’est sensiblement féminisée. Non seulement avec la générale Leia (jouée avec grâce une dernière fois par Carrie Fisher, décédée l’an dernier après le tournage), mais aussi son corps d’amirales qui ne sont en rien des guerrières amazones idéalisées, mais des militaires pragmatiques qui ne rechignent pas à rabaisser les tendances machistes de certains pilotes ayant du mal à suivre leurs ordres. Et bien sûr, la jeune Rey dont la recherche de sa véritable identité (et de celle de ses parents) domine tout cet épisode 8.

Finalement, c’est aussi un au revoir un peu brutal aux figures qui ont fait la saga. Darth Vader et Han Solo déjà trépassés, on est en présence d’un Luke Skywalker et d’une générale Leia désabusés et fatigués. Le premier, qui mettra un bail à se bouger le derrière de sa retraite sur une planète océanique perdue aux confins de l’univers, est toujours démangé par ses regrets et semble avoir abandonné l’espoir que les Jedi pourraient apporter quoi que ce soit de bon dans la lutte du Bien contre le Mal. Tandis que sa sœur, Leia, domine plus d’une scène avec le sarcasme d’une fin de règne qu’elle sent proche.

« Star Wars 8 » donne un autre ton à toute la saga et donne une place à l’époque contemporaine qu’elle reflète très bien à certains instants. Si Kylo Ren semble avoir plus d’esprit que Trump, son maître ne semble pas plus intelligent que celui de la Maison Blanche. Et la vaillante Rébellion reflète aussi l’état des opposants au mal : nostalgiques, désunis, mais forcés à collaborer contre les forces qui cherchent à les détruire. Bref, vous pourrez aller le voir sans vous sentir ringards.

Dans presque toutes les salles. Tous les horaires sur le site.

L’évaluation du woxx : XX


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