Sanna Lenken
 : Complexes et bénéfices

« Min lilla syster », le premier long métrage de la metteuse en scène suédoise Sanna Lenken, thématise l’anorexie différemment – et réussit une approche inédite d’un thème complexe.

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Deux sœurs durement mises à l’épreuve.

Stella n’est pas très contente : sa grande sœur Katja, une patineuse artistique de talent, bonne élève, attire toute l’attention, tandis qu’elle se pâme dans son petit corps grassouillet en attendant désespérément l’arrivée de la puberté. Entre-temps, elle collectionne des cafards, écrit des lettres d’amour secrètes à Jacob, l’entraîneur de sa sœur, et se gave de chips devant la télé. Mais pour Katja non plus, le monde ne tourne pas rond. La pression des entraînements et de l’école, le culte de son corps et ses extrêmes ambitions l’ont rendue dépressive au point qu’elle arrête de se nourrir et devient anorexique.

Alors que sa santé décline de jour en jour, elle a de plus en plus de mal à cacher son malaise. C’est finalement Stella qui se retrouve face à un dilemme : doit-elle garder le secret de sa sœur pour elle ou tout dire à ses parents, mettant ainsi un terme provisoire à la carrière de patineuse artistique de celle-ci ? Son choix déterminera l’avenir de toute la famille…

On ne voit pas très bien pourquoi « Min lilla syster » a été décrit comme la petite cousine de « Little Miss Sunshine » – tant la comédie de Jonathan Dayton et Valerie Feris est éloignée de ce film qui, s’il a ses moments drôles, reste cependant plus proche d’un réalisme bien européen. D’autre part, le thème principal, l’anorexie de Katja, est bien trop sérieux pour être pris à la légère.

Le défi que s’est posé Sanna Lenken, c’est de ne pas se concentrer sur la personne malade, mais de nous laisser entrevoir la maladie par les yeux de sa petite sœur : cette dernière met du temps à approcher la condition de celle qu’elle admire et jalouse en même temps. Un pari réussi, car, en procédant de cette façon, la réalisatrice évite tout misérabilisme, voire toute identification trop proche avec la malade. Seul effet négatif, le spectateur ne perçoit peut-être pas trop comment l’anorexie avance et à partir de quel point elle devient vraiment une maladie grave, au point où elle évolue en une question de vie et de mort.

Car Stella, même si elle se prend très – voire trop – au sérieux, est et reste une enfant, qui grandit trop vite en se soumettant aux mêmes pressions que sa sœur. C’est donc entre ses préoccupations – l’amour qu’elle ressent pour l’entraîneur de Katja, ses premières bières entre potes dans des appartements désertés par toute autorité parentale, ses envies de manger quand elle est frustrée – que le drame de sa sœur a lieu.

Même si le film ne correspond pas aux critères de l’école Dogma, on peut dire que l’influence de cette dernière se fait ressentir dans la façon dont il veut nous montrer la réalité. Sans ornements et chichis, sans séquences de rêve ni voix off, « Min lilla syster » est un exercice magistral de réalisme.

Tellement réaliste d’ailleurs qu’il en souffre de temps en temps, car il n’y a pas de vraie magie ni de catharsis dans le film. Certes, Katja entre dans un centre de traitement pour anorexiques, mais Sanna Lenken laisse délibérément ouvert ce qu’elle fera le jour de sa sortie. Un peu comme si elle ne voulait pas imposer de fin dramatique, ni de happy end au spectateur, qui reste ainsi un peu sur sa faim.

Cela mis à part, « Min lilla syster » est un film qu’il faut aller voir, simplement parce qu’il illustre comment une maladie dont on ne parle que trop rarement peut s’attaquer à la cellule de base de notre société – la famille.

À l’Utopia. Tous les horaires sur le site du woxx.

L’évaluation du woxx : XX

https://www.youtube.com/watch?v=DjVFbh7Fvv0


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