Santé : La mpox continue de se propager

Avec plus de 25.000 cas suspects sur le continent africain depuis le début de l’année, la variole du singe poursuit son alarmante progression. Si les spécialistes ne redoutent pas une pandémie à l’échelle de celle de la covid-19, la mpox menace et frappe néanmoins durement des populations déjà vulnérables et pour lesquelles les vaccins salutaires se font désespérément attendre.

Les symptômes peuvent apparaître après une période d’incubation de 5 à 21 jours, le·la malade est contagieux·se dès l’apparition des symptômes et jusqu’à la cicatrisation des lésions. (PhOTO: Ó MSF/Michel Lunanga)

Depuis 2022, une épidémie de variole du singe (ou mpox) sévit à l’échelle mondiale. Pas moins de 121 pays ont déjà été touchés et plus de 103.000 cas confirmés ont été signalés à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais c’est en République démocratique du Congo (RDC), où la maladie est endémique, que l’on constate une inquiétante recrudescence de la mpox. Le 14 août, pour la deuxième fois en deux ans, l’OMS a déclaré l’épidémie en RDC « urgence de santé publique de portée internationale ». « L’émergence d’un nouveau clade de mpox [nouveau sous-type du virus, ndlr], sa propagation rapide dans l’est de la RDC et la notification de cas dans plusieurs pays voisins sont très inquiétantes. En plus des flambées d’autres clades de mpox en RDC et dans d’autres pays d’Afrique, il est clair qu’une réponse internationale coordonnée est nécessaire pour stopper ces flambées et sauver des vies », avait alors déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS.

Selon le dernier rapport de l’agence onusienne, publié le 14 septembre, 5.160 cas de mpox ont été confirmés par les laboratoires en RDC depuis le début de l’année, un nombre très probablement en deçà de la réalité de l’incidence de la maladie, la couverture des tests en RDC restant faible. D’après l’OMS, le nombre de cas serait plutôt cinq fois supérieur, de l’ordre de 22.000, et plus de 700 décès seraient à déplorer.

Si l’« orthopoxvirus simien » et ses différentes souches ne sont en rien comparables en termes de létalité ou de virulence à des virus comme ceux de la covid-19 ou Ebola, par exemple, il n’en demeure pas moins que la mpox peut s’avérer dangereuse pour certaines catégories de population, en particulier les jeunes enfants, a fortiori s’ils et elles sont dénutri·es ou déshydraté·es, ou les personnes au système immunitaire fragilisé. Et ce d’autant plus que la nouvelle souche se transmet plus facilement (il suffit d’un contact étroit), quand le clade 2b (la souche à l’origine de la pandémie en dehors de l’Afrique) se transmettait plutôt par contact direct et intime et concernait essentiellement les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes.

Dans un pays en proie à de nombreuses crises, entre autres humanitaires et sécuritaires avec un conflit en cours au Nord-Kivu, lequel a provoqué le déplacement de plus d’un million de personnes, cette épidémie est un fléau qui vient s’ajouter aux nombreuses difficultés que rencontrent déjà des populations particulièrement vulnérables et vient encore peser sur un système de santé fragile et dégradé. « Dans l’est de la RDC, la mpox n’est qu’un défi dans un torrent d’autres problèmes », a récemment témoigné le Dr Tejshri Shah, directrice générale de Médecins sans frontières (MSF) et pédiatre spécialisée dans les maladies infectieuses, après s’être rendue dans la province congolaise.

Dans des zones très densément peuplées comme Goma, qui compte deux millions d’habitant·es, et dans les sites de déplacé·es alentour, les conditions nécessaires pour empêcher la propagation du virus ne sont pas réunies, a-t-elle réaffirmé. « Comment peut-on attendre de familles qui vivent dans de minuscules abris, sans eau ni installations sanitaires adéquates, voire sans savon, qu’elles mettent en œuvre les mesures préventives préconisées ? Comment des enfants souffrant de malnutrition peuvent-ils avoir la force de lutter contre les complications de la mpox ? Et comment pouvons-nous espérer que cette variante − qui se transmet notamment par contact sexuel − ne se propage pas dans les sites de déplacement, étant donné les niveaux dramatiques de violence sexuelle et d’exploitation qui touchent les filles et les femmes ? », interroge, non sans amertume, Tejshri Shah.

Selon elle, la situation est telle que la mpox n’est même pas le défi le plus urgent, quand d’autres maladies potentiellement mortelles sévissent déjà, comme le choléra ou la rougeole, et quand « les personnes qui vivent dans les sites surpeuplés manquent toujours de tout : nourriture, eau, sécurité, articles d’hygiène de base, ainsi que l’accès à l’assainissement et aux soins de santé ».

« Pour relever le nouveau défi que représente la mpox, il faut de toute urgence améliorer les conditions de survie des gens en apportant une réponse adaptée à leurs besoins spécifiques et aux défis qu’ils rencontrent dans la vie réelle », alerte-t-elle. Cela peut passer par la mise à disposition de ce qui est nécessaire pour le contrôle des infections : eau, savon, désinfectant, installations sanitaires. « Ce sont des choses simples mais essentielles. Nous ne pouvons pas compter uniquement sur l’arrivée des vaccins pour résoudre le problème. Comme beaucoup d’autres, nous espérons que les vaccins tant attendus arriveront dans le pays le plus rapidement possible. Cependant, ces vaccins ne constitueront pas une solution miracle : les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux doivent également se pencher de toute urgence sur les fondements de la réponse à la mpox, qui doit être adaptée aux besoins et aux réalités de la population. »

Les vaccins antivarioliques n’en sont pas moins indispensables. « Les cas continuant d’augmenter, sans vaccins disponibles, on ne s’attend pas à ralentir l’épidémie », confirme Sylvie Jonckheere, conseillère en maladies infectieuses émergentes chez MSF, de retour après deux mois passés en RDC, ainsi qu’au Burundi et au Kenya.

Dix millions de doses nécessaires

Comme son nom l’indique, le virus de la variole du singe fait partie de la même famille que celui de la variole humaine classique. Mais alors que cette dernière a pu être éradiquée il y a un peu plus de 40 ans, « ce ne sera jamais le cas pour la variole du singe, car, contrairement à la variole classique qui n’existait que chez les humains, la mpox existe aussi chez les animaux », prévient Sylvie Jonckheere. Les vaccins contre la variole humaine se sont cependant révélés efficaces pour prévenir la mpox, et, à l’heure actuelle, deux vaccins de troisième génération bénéficient d’une autorisation de mise sur le marché : le LC16m8 développé par Kaketsuken au Japon et le MVA-BN développé par Bavarian Nordic au Danemark. « Ces vaccins ont révélé une efficacité de l’ordre de 85 pour cent en prévention primaire. Ils réduisent le risque de développer la maladie et en réduisent la sévérité si celle-ci venait à se développer, explique Sylvie Jonckheere. Ils aident à surmonter les phases aiguës, mais n’empêchent pas forcément les séquelles, comme les lésions oculaires, et ne permettent pas de guérir. Pour soigner les patients, on ne traite que les symptômes. »

À l’heure actuelle, plus de 3,6 millions de doses ont fait l’objet de promesses de dons, dont plus 620.000 doses du vaccin MVA-BN, promises par la Commission européenne, l’Autriche, la Belgique, la Croatie, Chypre, la France, l’Allemagne, le Luxembourg, Malte, la Pologne, l’Espagne et les États-Unis d’Amérique, ainsi que par le fabricant de vaccins Bavarian Nordic, et trois millions de doses LC16 par le Japon. « Les promesses restent des promesses », commente, sceptique, le Dr Amrish Baidjoe, directeur de LuxOR (Luxembourg Operational Research), l’unité de recherche opérationnelle de MSF. « Cette épidémie est un bon test pour voir si on a tiré des leçons de la covid. Ce n’est a priori pas vraiment le cas… Bien sûr, il faut conserver des doses dans nos pays occidentaux, mais suite au foyer de 2022, nos systèmes de santé sont bien équipés, et, pour l’heure, le risque est faible que la mpox explose en Europe. »

Effectivement, à ce jour, seules 265.000 doses du MVA-BN ont été livrées à la RDC (dont 215.000 par la Commission européenne) et 10.000 au Nigeria, troisième pays le plus touché après la RDC et le Burundi. Mercredi, Gavi, l’Alliance mondiale du vaccin, et la société Bavarian Nordic ont signé un accord garantissant la fourniture de 500.000 doses de vaccin en 2024 aux pays d’Afrique touchés par l’épidémie (au nombre de 15 actuellement). C’est bien, mais c’est peu quand on sait que l’OMS a estimé à 10 millions le nombre de doses nécessaires.

Une forme atténuée de la variole humaine

Détectée pour la première fois sur l’humain dans les années 1970 en RDC où il est endémique, le virus de la variole du singe appartient à la même famille que celui de la variole humaine. Il se transmet lorsqu’une personne entre en contact avec un animal contaminé par le virus (par morsure ou griffure, lors de la préparation de la viande…), avec un être humain infecté (par les fluides corporels, les lésions cutanées, les muqueuses mais aussi les postillons) ou avec des matériaux contaminés (vêtements, linge de lit, surfaces…). Le virus peut aussi être transmis au fœtus pendant la grossesse, ou au nouveau-né pendant ou après l’accouchement. La maladie se manifeste généralement par une éruption cutanée ou des lésions des muqueuses. Elles sont souvent accompagnées de fièvre, de maux de tête, de douleurs musculaires et d’un gonflement des ganglions. Il n’existe pas de traitement spécifique (on traite seulement les symptômes) et la personne guérit généralement spontanément au bout de deux à quatre semaines. Des complications peuvent cependant parfois survenir, comme des surinfections cutanées, une septicémie, des encéphalites ou des lésions de la cornée, en particulier chez les personnes les plus vulnérables, comme les enfants (surtout s’ils et elles sont dénutri·es ou déshydraté·es), les immunodéprimé·es ou les femmes enceintes. La létalité, faible au niveau mondial (de l’ordre de 0,2 pour cent) peut atteindre 10 pour cent selon le contexte. Elle est en effet très dépendante de la souche concernée (le clade 1 est plus létal que le clade 2), de l’âge des patient·es, de leur état général et de la qualité de la prise en charge hospitalière.

61 cas au Luxembourg depuis 2022

Depuis 2022, 61 cas de mpox ont été déclarés au Luxembourg (57 en 2022, trois en 2023 et un en 2024). Dans la grande majorité des cas, les personnes infectées étaient des hommes adultes ayant eu des relations sexuelles avec des hommes et la moyenne d’âge était de 37 ans, a précisé le ministère de la Santé. Un profil très similaire aux cas déclarés dans d’autres pays en Europe. La plupart ont développé une forme légère ou modérée de la maladie, qui n’a pas nécessité d’hospitalisation. Aucun décès n’est à déplorer à ce jour et tous ont été guéris, a encore indiqué le ministère. Les autorités assurent par ailleurs qu’il n’y a pas de pénurie du vaccin Imvanex (nom commercial du MVA-BN de Bavarian Nordic) au Luxembourg. Les personnes ciblées par le programme de vaccination (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et des partenaires sexuels multiples, travailleur·euses du sexe, transsexuel·les ayant plusieurs partenaires sexuel·les, personnes se rendant dans des zones géographiques où la prévalence du mpox est élevée, etc.) peuvent se faire vacciner sur rendez-vous au Centre hospitalier de Luxembourg. (Toutes les informations sont à retrouver sur http://woxx.eu/pxnx.) Au vu du faible risque que représente actuellement la mpox pour la population générale en Europe, et donc au Luxembourg, aucune mesure de restriction n’a été mise en place pour les voyageurs. La Direction de la santé a toutefois émis des recommandations pour les cas suspects, les cas positifs et leurs contacts (http://woxx.eu/skmw).


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