Le dernier rapport du « Lancet Countdown » à propos des effets du changement climatique sur la santé est alarmant : en raison d’émissions qui ne cessent d’augmenter et d’une action qui tarde à être mise en place, des expert·es internationaux pointent des menaces records. Et pour les plus vulnérables, qui sont pourtant les moins responsables de ce changement, les conséquences néfastes sont démultipliées.
« Des personnes du monde entier sont confrontées à des menaces sans précédent pour leur bien-être, leur santé et leur survie en raison de la rapidité du changement climatique. » Le rapport 2024 du « Lancet Countdown », qui s’appuie sur les travaux de 122 chercheur·euses d’agences des Nations unies et d’institutions académiques du monde entier, et qui fait chaque année depuis l’accord de Paris de 2015 le point sur l’évolution des impacts du changement climatique sur la santé, est alarmant. Sur les 15 indicateurs servant à mesurer les risques sanitaires du changement climatique, 10 ont en effet atteint de nouveaux records « préoccupants ». La mortalité liée à la chaleur chez les personnes âgées de plus de 65 ans a ainsi augmenté de 167 % par rapport aux années 1990. La chaleur affecte également de plus en plus l’activité physique et la qualité de sommeil (6 % d’heures de sommeil perdues par rapport à la moyenne de la période 1986-2005), engendrant des conséquences néfastes sur la santé physique et mentale des individus.
De surcroît, comme nous avons pu récemment le constater en Europe, notamment en France et en Espagne, mais également au Tchad, au Nigeria ou encore en Birmanie, les populations du monde entier sont également de plus en plus exposées à des phénomènes météorologiques extrêmes, qui mettent leur vie en danger. Le « Lancet Countdown » indique que, entre les périodes 1961-1990 et 2014-2023, 61 % de la surface terrestre mondiale a connu une augmentation du nombre de jours de précipitations extrêmes, « ce qui accroît le risque d’inondation, de propagation de maladies infectieuses et de contamination de l’eau ». À l’inverse, 48 % de la surface terrestre mondiale a été touchée par au moins un mois de sécheresse extrême en 2023, augmentant le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire. La chaleur et la sécheresse favorisant par ailleurs les tempêtes de sable et de poussière, de plus en plus de personnes sont exposées à des concentrations de particules dangereusement élevées. En outre, « l’évolution du régime des précipitations et la hausse des températures favorisent la transmission de maladies infectieuses mortelles telles que la dengue, le paludisme, les maladies liées au virus du Nil occidental et la vibriose, exposant les populations à un risque de transmission dans des endroits qui n’étaient pas touchés auparavant », signalent les expert·es.
Sur un pied d’inégalité
Et la tendance ne semble pas près de s’inverser. Comme le mentionne le rapport, en 2023, la température moyenne annuelle de la surface terrestre a atteint un niveau record de 1,45 °C au-dessus de la base préindustrielle, sachant que l’accord de Paris avait initialement fixé un seuil à 1,5 °C. Il n’y a jamais eu autant d’émissions mondiales de CO2, et pourtant, la plupart des entreprises pétrolières et gazières continuent d’élargir leurs projets de production de combustibles fossiles, alertent les chercheur·euses. Dans ce sombre tableau, notons également la poursuite de la déforestation (182 millions d’hectares de forêts disparus entre 2016 et 2022), réduisant d’autant les capacités de captation du CO2, ainsi que l’augmentation de près de 3 % des émissions de gaz à effet de serre agricoles en raison de la consommation de viande rouge et de produits laitiers (ces régimes alimentaires qualifiés de « malsains » par les chercheur·euses étant par ailleurs responsables de 11,2 millions de décès en 2021, selon les derniers chiffres disponibles).
Malgré les alertes formulées depuis maintenant plusieurs années et en dépit de l’aggravation de la situation, les expert·es craignent la possibilité d’une diminution de l’engagement des responsables politiques : « Le nombre de gouvernements mentionnant la santé et le climat dans leur discours annuel au débat général des Nations unies est passé de 50 % en 2022 à 35 % en 2023 », notent-ils ainsi.
Dans un rapport conjoint, le « Lancet Countdown » et Médecins sans frontières rappellent également que les populations les plus vulnérables sont affectées de manière disproportionnée par le changement climatique, alors qu’elles sont le moins responsables des émissions le générant. « Les crises qui se produisaient une à une se produisent désormais simultanément, aggravant les risques et les situations d’urgence et menaçant la santé », résument les auteurs du rapport. Les événements météorologiques extrêmes (inondations, typhons, ouragans, etc.), en dégradant l’environnement, amplifient en effet les besoins sanitaires des populations là où les systèmes de santé sont déjà défaillants ou absents, tout en compliquant davantage les interventions. Et entre les systèmes de santé dégradés, voire détruits par ces événements météorologiques, surchargés pour parer à l’urgence de la catastrophe, et les déplacements de population qui résultent de ces événements, le suivi médical des patient·es atteint·es de maladies chroniques ou les campagnes de vaccination sont durement touchés. « Le véritable coût de la crise climatique est payé par les personnes les plus vulnérables du monde. Elles paient de leur santé et de leur vie un problème qu’elles n’ont pas créé. Mais trop peu de choses sont faites pour les protéger », dénonce l’ONG.