Supplication
 : « Je ne collectionne pas 
les histoires d’horreurs »


Elle pose des questions sur la place d’Armes, l’histoire du Luxembourg et elle écoute, elle observe. De très près. Svetlana Aleksievitch a reçu le prix Nobel de littérature en 2015 surtout, comme elle le dit elle-même, pour l’oreille qu’elle prête aux récits des gens. Deux questions et deux réponses précises.

1362aleksievitchwoxx : Madame Aleksievitch, que pensez-vous de l’adaptation de votre livre par Pol Cruchten dans le film « Supplication » ?


Svetlana Aleksievitch : Je ne l’avais pas vu avant la première et je suis très contente. Je trouve que c’est très bon. Le plus surprenant, c’est que Pol a fait un choix dans le texte qui correspond aux passages que je préfère, aux récits auxquels je suis le plus attachée. Et le voice-over sur des acteurs qui ne parlent pas directement reprend mon idée de ces êtres qui portent les plaies de la mort et les traces de l’amour. Pol Cruchten est très attentif aux gens et à leurs douleurs, et il le transpose très bien dans ses films. Les images sont d’une très grande puissance poétique, autre que les mots. C’est la fragilité et la dignité des êtres : c’est cela qui est très important à mes yeux.

Comment procédez-vous dans votre écriture ? À partir de quoi ou de qui écrivez-vous et quels sont les récits qui vous touchent le plus ?


Je m’intéresse à toutes les phrases que j’entends dans les endroits où je me trouve. Il y a des thèmes ou des cadres, comme Tchernobyl ou l’époque soviétique. Ce qui me touche, ce sont les gens : c’est à travers eux qu’on parvient à comprendre le déroulement des faits, car ils les éclairent de leurs émotions. Ce sont ces émotions que je rassemble. J’écoute et je note les histoires, puis je les transcris afin de les mettre en lien avec les émotions ressenties, les miennes et celles des gens qui m’intéressent. Il faut, je crois, beaucoup écouter. Être très attentif. À vrai dire, je ne collectionne pas les histoires d’horreurs. Je m’intéresse aux gens et à ce qu’ils ont vécu – ce qu’ils vivent pendant et après un drame par exemple -, mais aussi à ce qu’ils ressentent quand ils aiment ou quand ils ne comprennent pas, quand ils sont à bout. J’essaie de l’écrire de la façon la plus précise possible.

L’entretien a été mené par l’auteure pour la plateforme « Kulturstruktur ». Une version allongée sera disponible sous peu ici même. Quant à la version vidéo intégrale, elle sera présentée au public au Casino – Forum d’art contemporain du 1er au 31 mai dans le cadre de l’exposition « Blackbox solo » de Karolina Markiewicz et Pascal Piron, ainsi que sur notre site.


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