Sur AppleTV+ : Greyhound

Relégué des grands écrans aux petits pour raisons de pandémie, « Greyhound » est un film de guerre dont le monde n’avait pas besoin : manichéen, plat et réduit aux effets spéciaux.

Un spectacle de guerre à l’américaine plein de pathétisme : « Greyhound ». (Photo : Sony Pictures)

Malgré son âge déjà avancé, c’est la première fois que le capitaine de la Navy américaine Ernest Krause a le droit de commander un vaisseau dans une zone de guerre. Homme croyant et taciturne, il se retrouve face à une des missions les plus compliquées pendant la Seconde Guerre mondiale : accompagner un convoi de renforts des États-Unis vers l’Angleterre, à travers les étendues infinies de l’Atlantique. Les Allemands savent la vulnérabilité des Britanniques vers 1942, et comptent détourner l’aide leur venant des Américains grâce à leur flottille d’U-Boots redoutée et redoutable.

Krause prend donc le commandement du destroyer USS Keeling, dont le nom de code est Greyhound, et avec de plus petits navires de guerre anglais et canadiens – également sous ses ordres – encadre un convoi de 37 bateaux marchands apportant provisions, armes et pétrole vers l’Angleterre. Le plus délicat est de passer cinq jours sur le « Black Pit », hors de la couverture des avions américains censés assurer la protection contre les sous-marins allemands. Et ce qui devait arriver arrive : après trois jours de calme, les attaques d’un commando de « loups marins » nazis commencent et menacent la mission du brave commandant Krause. Qui après avoir crié beaucoup d’ordres et manœuvré entre les torpilles ennemies s’en tire bien sûr avec bravoure. Désolé du spoiler, chères lectrices et chers lecteurs, mais nous sommes sûrs que vous vous en doutiez un peu…

Difficile d’évaluer ce qui est le plus ennuyeux dans « Greyhound ». Commencer par le protagoniste semble être le plus évident : ce n’est peut-être pas pour rien qu’il faut se méfier des films scénarisés par leur acteur principal, et Tom Hanks n’y échappe pas. Son Ernest Krause est plat comme une cloison de bateau. Une petite histoire d’amour avec une fiancée qui ne voudra l’épouser qu’après la guerre n’ajoute aucune profondeur. Hanks, avec son regard de Snoopy qui aboie des ordres et dont la conscience chrétienne émerge de temps en temps entre les vagues de la bataille de l’Atlantique, ne convainc pas une seconde.

S’y ajoute la dimension manichéenne du film : les U-Boots nazis et leurs équipages sont totalement déshumanisés et se réduisent à des coques de sous-marins peintes avec des svastikas et des têtes de loups émergeant des flots, ainsi qu’à des messages cyniques captés par radio avec un accent allemand à couper au couteau. Même Clint Eastwood, qu’on ne peut pourtant pas accuser de finesse d’esprit remarquable, a fait mieux avec ses « Letters from Iwo Jima ». Mais, pire encore, « Greyhound » se concentre uniquement sur l’effort de guerre américain – les alliés britanniques et canadiens restent sans visage, leurs interventions se font uniquement par communications téléphoniques et se résument souvent à des obtempérations aux ordres du brave commandant américain. Donc, le message du film est réducteur et patriotique : les Américains sont les plus forts, les plus chrétiens, les plus gentils et les autres sont soit des alliés mineurs ou des ennemis. Avec un certain Trump, en train de détruire toute l’estime qui restait encore aux États-Unis dans le monde, ce film n’aurait pas pu tomber à un pire moment.

Certes, les amatrices et amateurs de batailles navales à l’écran pourront se régaler de 90 minutes d’action haletante et bien chorégraphiée, mais sinon « Greyhound » finira sa course dans la grande salade à navets de l’histoire du cinéma, et dans celle des films de guerre peu subtils en particulier.

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