Let’s talk about sex – Bill Condon signe un portrait du célèbre Dr Kinsey qui est à peu près aussi sexy qu’une visite chez le gynéco.

Il a été le premier a oser jeter un regard sous les couvertures des Américain-e-s: Liam Neeson dans le rôle d’Alfred Kinsey (avec Laura Linney).
L’Amérique n’est même pas encore remise de cette célèbre chasse aux sorcières à Hollywood que, en 1948, le docteur Alfred Kinsey se lance sans trop de diplomatie dans un monde peu connu et tenu au secret par les Américains: la sexualité.
Son ouvrage „Sexual Behavior in the Human Male“ a fait l’effet d’une pierre dans la mare car pour la première fois, un scientifique a étudié le comportement sexuel des Américains. Il en a présenté ses conclusions dans un livre où vagin, pénis, masturbation, homosexualité et autre pénétration ne semblaient plus être des mots vulgaires et interdits. D’enquêtes en interviews, de conclusions en démonstrations, le Dr Kinsey devient rapidement un scientifique célèbre au grand dam de certains conservateurs qui, c’est bien connu, n’ont jamais pratiqué ce genre de „cochonnerie“.
Il aura fallu deux ans pour que le film de Bill Condon arrive sur nos écrans. L’Amérique aura donc mis deux ans pour digérer toute cette histoire aux allures d’un „tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais avoir osé le demander“, mais en nettement moins bien.
Durant près de deux heures, on parle de sexe et rien que de sexe. C’est le sujet, direz-vous. Certes, mais il y a une façon d’en parler. Par exemple, Denys Arcand en parlait tout autant avec „Le Déclin de l’Empire Américain“. Mais il mettait du corps, de l’âme, de la sensibilité. Dans le film de Bill Condon, on a l’impression que tout est jeté en pâture, on parle de cul pour parler de cul. C’est clair, le réalisateur veut nous choquer au même point que Kinsey choquait à l’époque.
Mais est-ce vraiment le chemin à prendre à l’heure où des Rocco Ziffredi sévissent dans le circuit classique du cinéma? N’aurait-il pas été plus judicieux de se pencher davantage sur les motivations du docteur Kinsey à se lancer dans toutes ces recherches? N’ayons pas peur des mots, l’´uvre de Bill Condon est une ´uvre stérile qui, au passage, oublie complètement Laura Linney, qui, dans le rôle de l’épouse de Kinsey, aurait bien droit elle aussi à avoir une vie sexuelle épanouie.
„Kinsey“ passe à côté des diverses pratiques sexuelles telles que l’échangisme qui n’est traité qu’en pointillé puis abandonné rapidement, le sadomasochisme, la nymphomanie ou, plus grave, la pédophilie. Bref, lorsque l’on veut aborder un tel sujet, il ne faut rien oublier – surtout lorsque l’on a la prétention de tenir entre ses mains un ouvrage révolutionnaire. En revanche, Bill Condon n’a pas manqué une seule fois d’introduire des pointes d’humour qui, avouons-le, sont très agréables, mais qui évoquent plutôt le mécanisme de défense de gamins pendant leur premier cours d’éducation sexuelle. Certes, il n’était peut-être pas utile de faire de cette histoire un film trop sérieux mais par moments, l’humour remet en question la crédibilité du propos.
En définitive, Bill Condon nous présente une ´uvre qui ne laisse guère de place aux sentiments et qui expose le sexe de façon à ce qu’il en paraît même ennuyeux. A la fin du film, on n’en sait pas davantage sur ce docteur qui aura fait moins parler de lui que Larry Flint, alors qu’il s’est visiblement donné plus de mal.