En plein dans le mille: avec „The Upside of Anger“, Mike Binder réalise un film léger, mais profond sur une problématique sérieuse.
Il doit bien encore rester quelques fans de Kevin Costner quelque part. Après que la star américaine avait bu la tasse dans „Waterworld“ et s’était trompé d’adresse avec „The Postman“ le showbiz avait sans doute fait une croix sur lui. Alors que personne ne l’attendait plus, il revient en force avec „The Upside of Anger“, un petit film américain qui n’a certes pas fait beaucoup de vagues outre-Atlantique, mais qui devrait enthousiasmer les cinéphiles.
Avertissement cependant à ceux (et surtout celles) qui se souviennent du Kevin Costner beau gosse, qui aimait danser avec les loups ou jouer les Robin des Bois, elles risquent d’être décu-e-s. Trimbalant un bide impressionnant, une canette de bière soudée à la main, l’acteur qui vient de fêter son 50e anniversaire ne fait pas exactement ce que l’on appelle un comeback en beauté. Et pourtant son personnage, Denny, une ancienne vedette de base-ball devenue alcoolique, est un des personnages les plus sympathiques à avoir jamais vu le jour sur la pellicule. Pendant toute la durée du film, on se demande à qui il nous fait penser, avec son petit rire défoncé, son crâne dégarni et son côté ours en peluche pas très futé. A la fin, plus de doute: c’est bien Kevin Costner la meilleure incarnation d’Homer Simpson. Qui l’eût cru.
Et Joan Allen est exactement la Marge Simpson qu’il lui fallait. Les deux forment un couple parfaitement crédible – au point qu’on oublie même que ces deux-là ne se déchirent que sur l’écran et qu’on n’observe pas un couple en train de se chamailler à la table voisine d’un restaurant.
Il est presque superflu d’évoquer l’intrigue du film, car le scénario est bien l’aspect le moins remarquable de „The Upside of Anger“. L’histoire en elle-même est convenue: Terry Wolfmeyer se retrouve du jour au lendemain seule avec ses quatre filles, plaquée par un mari qui préfère s’amuser en Suède avec sa secrétaire. L’épouse délaissée cherche du réconfort dans l’alcool et trouve en Denny le compagnon de débauche parfait. Ces deux-là n’ont aucune envie de se ressaisir et les quatre filles assistent impuissantes à la dégringolade de leur mère, autrefois si douce et si parfaite.
Le réalisateur Mike Binder, qui signe également le scénario et s’est réservé un petit rôle de crapule sympathique, réussit là ou beaucoup de cinéastes échouent: il porte un regard frais et naturel sur les relations humaines et sur le quotidien. Ici, tout paraît vrai. Les quatre filles, interprétées par Evan Rachel Wood, Keri Russell, Alicia Wood et Erika Christensen, ont beau n’avoir que quelques scènes, cela suffit pour transmettre tout leur vécu. Dans la mise en scène de l’alcoolisme également, Mike Binder évite les clichés. Comédie oblige, il prend parfois les choses un peu trop à la légère, mais bon – ce n’est jamais que du cinéma.
Avec son humour défaitiste et son ton mélancolique, „The Upside of Anger“ se situe dans la lignée de films américains à la fois grand public et exigeants, comme „Pieces of April“ ou „Garden State“ – sans pourtant être aussi audacieux du point de vue de la forme. Ce manque d’inventivité se ressent à peine, puisque „The Upside of Anger“ est avant tout un film d’acteurs et Mike Binder leur laisse toute la place.
Un seul bémol: la fin assez abrupte du film tranche avec le rythme si paisible de la narration. C’est un peu comme si le scénariste avait eu peur d’ennuyer son public et qu’il avait voulu provoquer un dernier sursaut. Inutile – „The Upside of Anger“ est tout sauf ennuyeux. Peut-être qu’il n’entrera pas dans l’histoire du cinéma, mais il s’en dégage une atmosphère et une humanité très particulières, dont on se souvient longtemps après que les lumières se sont rallumées.