En utilisant le masque d’un reporter kazakh, dénommé Borat, le comique anglais Sacha Baron Cohen, fait éclater les préjugés de notre société.
Cette fois, George Bush ne pourra pas se réfugier derrière sa lutte anti-terroriste pour empêcher de nuire Sacha Baron Cohen, le comédien anglais qui se cache derrière le politiquement très incorrect personnage de Borat dans le film du même nom. Et les remous diplomatiques suscités au Kazakhstan et aux Etats-Unis ne font qu’attiser un peu plus la curiosité d’un public ravi de pouvoir rire méchamment des blagues racistes et des gags excessivement vulgaires de la comédie de l’année.
Mais qu’est ce qui plaît tant dans cet ovni au goût douteux? Sans doute la jubilation propre à toute entreprise décalée. A une époque où il est mal vu de se montrer antisémite, mysogine, scatologique ou les trois à la fois, l’´uvre de Sacha Baron Cohen aurait pu être conspuée par la critique et le public.
Créé pour un show télé célèbre, le personnage de Borat est un reporter kazakh complètement loufoque aux manières primaires. Il avait déjà créé le scandale aux MTV Europe Music Awards en 2005, frôlant l’incident diplomatique avec les autorités kazakhs en présentant son prétendu pays d’origine comme une sorte de goulag où les femmes sont soit des prostituées, soit des épouses non consentantes et où la boisson nationale n’est autre que de l’urine de cheval. La réponse de Cohen au ministre des affaires étrangères Yershan Ashybayev qui le menaçait de poursuites judiciaires a encore renforçé la popularité de Borat: „Je déclare n’avoir aucun rapport avec M. Cohen et soutiens totalement la décision de mon gouvernement de poursuivre ce juif. Depuis les réformes de 2003, le Kazakhstan est un pays civilisé. Les femmes peuvent désormais prendre le bus, les homosexuels n’ont plus à porter de chapeaux bleus et la majorité sexuelle a été élevée à huit ans.“ Le gouvernement a répliqué en achetant quatre pages de publicité dans le New York Times pour vanter, entre autres, le système éducatif du pays. Avec le carton du film, la situation pourrait dégénérer. Une rencontre entre Bush et Ashybayev est prévue afin de préserver les bonnes relations des deux pays.
Il faut dire que Borat, le film, fait beaucoup pour entretenir le malaise. Cohen y campe son personnage fétiche en reportage aux Etats-Unis, afin d’offrir à ses concitoyens des „Leçons culturelles sur l’Amérique pour profit glorieuse nation Kazakhstan“. Il se met d’abord en scène dans son village natal, en compagnie de sa femme et de sa s´ur qu’il présente fièrement comme la quatrième prostituée du pays. Flanqué de son producteur (Ken Davitian), il parcourt les Etats-Unis, d’abord New-York où les gags vulgaires se succèdent jusqu’à l’overdose puis – tombé amoureux de Pamela Anderson, il décide de se rendre en Californie pour épouser l’héroïne silliconée de Baywatch. Au fil de ses rencontres avec les citoyens de l’Amérique profonde, il enfile les sales blagues. Le must est sans doute la scène où Borat entonne l’hymne kazakh revue et corrigée sur l’air du „Star Spangled Banner“ au beau milieu d’une arène de rodéo. Commençant par affirmer son soutien inconditionnel à la guerre en Irak, il est copieusement applaudi par le public. Lorsqu’il se met à chanter „il faut massacrer les femmes et les enfants irakiens, rayer ce pays de la carte“, le malaise se fait de plus en plus palpable.
Loin d’être un chef-d’´uvre d’un point de vue purement cinématographique, Borat a le mérite de susciter l’hilarité générale et de déranger, pourtant sans véritablement prendre positions.
Borat, à l’Utopolis.