La présence des cours de religion à l’école publique est de plus en plus mise en cause. Reste à savoir si leur remplacement par une « éducation aux valeurs » est souhaitable.
Il fallait bien que cela arrive un jour. Le Luxembourg a changé, il n’est plus cette petite communauté où seule l’église catholique avait droit de cité, faute entre autres, de concurrence sérieuse. Les nouvelles vagues d’immigration ne viennent plus seulement d’Italie, du Portugal ou de Pologne, bastions d’un fervent catholicisme. Des arrivants d’Afrique et des Balkans ont aussi été accueillis, des personnes considérant Jésus comme un prophète parmi tant d’autres, mais pour qui Mohammed est définitivement le « number one ».
Jusque-là, les gouvernements s’accommodaient très bien du système de conventionnement Etat-églises. Un système qui met toutes les communautés religieuses sur un pied d’égalité. Aucune d’entre elles n’a jamais fait valoir son droit d’enseigner sa doctrine à l’école, à l’instar de l’Eglise catholique. Parce que leur masse critique est trop modeste et aussi parce qu’elles préfèrent s’en charger elles-mêmes.
Entre-temps, l’Islam est devenu le deuxième culte du pays et compte probablement une dizaine de milliers de fidèles. La convention a été signée et le Coran a, en théorie, un billet d’entrée pour l’école publique. Et il se peut très bien que la théorie soit mise en pratique.
C’est un des principaux arguments du camp laïc : que l’Etat ne permette à aucun culte d’enseigner à l’école publique, sous peine de devoir un jour ouvrir les portes à tous ceux qui en feront la demande. Le gouvernement et son principal parti, le CSV, ont pris conscience des conséquences de cet anachronisme : l’Islam à l’école, en plus du culte romain, augure non seulement d’une réorganisation fastidieuse des programmes scolaires, mais, dans un contexte d’islamophobie latente au sein de la société, de tensions communautaires potentielles.
Alors voilà que ça discute sec au sein du CSV. Car lui aussi a changé. Gageons que nombre de ses notables ne fréquentent les églises uniquement pour les cérémonies officielles. La députée Françoise Hetto-Gaasch a lancé un pavé dans la mare en se prononçant en faveur du remplacement des cours de religion à l’école. Mais les remplacer par quoi ? La mode est à un « enseignement des valeurs » qui traiterait sur un pied d’égalité et en toute neutralité les différents courants philosophiques, religieux et politiques.
Mais peut-on vraiment traiter en toute neutralité, ce qui, par essence, ne l’est pas, à savoir les convictions? Et pourquoi l’école – et, par extension, l’Etat – devraient-ils se charger de transmettre des « valeurs » ? Qui décide de la validité d’une « valeur » ? Par ailleurs, n’existe-il pas déjà des disciplines qui, par la force des choses, abordent les phénomènes religieux, les faits politiques et les courants philosophiques ? Les sciences humaines s’en chargent depuis belle lurette, elles qui ont vocation à rendre les cerveaux critiques. Contrairement aux religions ou autres « valeurs » plus ou moins abstraites qui préfèrent les former.