CINÉMA: Parce que je le vaux bien …

« 99 F », le roman de Frédéric Beigbeder qui a rendu le mouvement anti-pub légitime et hype, a été mis à l’écran. Résultat: une bonne pub pour sa maison d’édition.

Octave en a marre. Il est publicitaire chez la « Ross&Witchcraft » et plutôt en haut de l’échelle sociale : un 200 mètres carrés en plein centre de Paris, une belle BMW décapotable, de la coke à gogo – la belle vie quoi. Mais il lui manque quelque chose. Oui, vous avez bien deviné : l’amour, toujours l’amour, le vrai, celui qu’on ne peut acheter, qu’on ne peut même pas vendre. C’est là son problème et aussi un des principaux défauts du films : réduire l’essentiel à cette histoire d’amour qui tourne mal entre lui et la belle Sophie.

Or, le film avait bien du potentiel, surtout après la nomination à la tête de l’Etat français d’un publicitaire spécialiste en populisme et libéralisme économique. C’est d’autant plus dommage que le réalisateur Jan Kounen a utilisé des techniques de narration cinématographique dernier cri: le héros Octave se balade dans des décors où il n’a rien à faire, simplement en tant que voix off, par exemple dans la maison de Jean-Cristophe Gagnant, la main droite d’un de ses clients les plus importants. Ou encore lors des séquences pendant lesquelles Octave succombe aux délires de la drogue: magnifiques, spectaculaires même, et rappelant – ou citant directement – des classiques du genre comme « Fear and Loathing in Las Vegas », mais totalement déplacées et dénuées de sens. En bref : le film est tellement suchargé d’effets spéciaux et de virevoltages narratifs, que le spectateur a tendance à perdre le fil, même si l’histoire n’est pas vraiment complexe.
Le problème principal est qu’on ne peut pas combattre le spectacle avec le spectacle. Alors que l’ennemi désigné est ici clairement le monde de la publicité et donc par extension la fameuse « société du spectacle » qui fut au centre de la critique des situationnistes comme Guy Debord, le film lui-même ne peut pas se passer des mécanismes qu’il prétend combattre pour exister. C’est dommage, mais pas nécessairement la faute à ceux qui ont fait le film. On peut être sûr qu’ils n’avaient pas tellement le choix : le roman de Beigbeder était un succès en librairie, alors il faillait en faire un film à succès. Le serpent se mord la queue.

Pourtant, on doit concéder un mérite à « 99 F » : celui d’en parler. Après les différents procès spectaculaires contre les mouvements anti-pub parisiens ces dernières années, le thème avait un peu sombré, submergé par les campagnes politiques massives récentes. La problématique d’un monde où personne ne peut vivre sans consommer au moins de la pub, et la mise à nu de l’univers cynique des agences de communication et de leurs clients – les élucubrations nauséabondes du marchand de yaourt au sujet de la simple ménagère sans méninges – sont une bonne piqûre de rappel.
Mais bon, à quoi sert la critique dans « 99 F » ? Après que Sophie l’ait quitté pour son supérieur hiérarchique, Octave sombre dans la déprime qu’il combat à coups d’avalanches de coke. Et un jour, il se rend compte – car Octave n’est pas con et il lui reste tout de même un coeur humain – que tout ce qu’il fait est dégueulasse. Il en tire le désir de se venger. Et là, le film se partage entre deux fins possibles : a-t-il ou non réalisé sa vengeance ? Et est-ce vraiment plus qu’un petit pavé dans la mare que de trafiquer une minable pub pour du yaourt ?

C’est à vous de décider, spectatrice, spectateur, d’acheter ou non un ticket pour ce film.

A l’Utopolis


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