JASON REITMAN: « Nails ?! – Yeah, allright ! »

« Juno », le nouveau film de Jason Reitman se veut une poésie underground à l’américaine, mais cache mal son jeu : c’est bel et bien de la propagande anti-abortionniste.

Il était une fois une jeune fille du nom de Juno MacGuff. Son prénom a été choisi par son père militaire et amateur de mythologie greco-romaine et sa vie se déroule tranquillement dans un petit bled lambda en Amérique. Elle n’est ni riche, ni pauvre, ni belle, ni moche – seulement différente : au lieu de participer à la vie sociale extrêmement concurrentielle de sa high school, elle préfère rester dans son petit monde. Et elle s’y ennuie fermement. Tellement même, qu’elle décide de coucher avec un gars qui lui ressemble : ni riche, ni pauvre, ni beau, ni…

Le problème, c’est qu’elle tombe enceinte. Mais au lieu que ce soit une catastrophe – elle n’a tout de même que 16 ans – cette évolution semble plutôt un ennui passager pour Juno et son entourage. Et c’est exactement là où Reitman commence à perdre le fil de son récit et à halluciner. Comme toute jeune fille ne voulant et ne pouvant pas éduquer son gosse, elle songe à avorter. Mais, une fois devant le centre d’avortement – qui est en même temps une institution féministe très grassroots, dépeint d’une façon grotesque et péjorative – elle commence à changer d’avis. Est-ce sa copine d’école qui proteste seule devant le centre agitant une pancarte et murmurant comme une bouddhiste la même formule intégriste « All babies want to be born » ? – Malheureusement, oui. C’est quand Juno apprend que son fétus a déjà des ongles qu’elle retourne chez elle et change d’avis. Cette absurdité, qui a autant à voir avec les états d’âme d’une adolescente enceinte qu’un parapluie avec une table d’opération, n’est que la première de toute une série qui révèlent que le film de Reitman n’est qu’un conte ultraconservateur. Car les parents de Juno restent calmes et sont même contents que leur fille veuille bien trouver des parents adoptifs pour sa progéniture. Pas de scènes de violence, même pas verbale – comme si c’était la chose la plus normale du monde.

Et les parents qu’elle choisit pour son futur bébé semblent aussi sortis d’un livre de conte de fées : riches, beaux et même cultivés vu que le mari est musicien – ancienne rockstar reconverti en compositeur de jingles commerciaux et nostalgique du bon vieux temps – et partage les mêmes goûts que Juno, la mère-porteuse. Le reste du film baigne dans cette atmosphère et finit « bien ».

Le film de Reitman est doublement problématique : d’un côté, il utilise le langage cinématographique huppé des meilleurs films indépendants américains comme « Little Miss Sunshine » pour raconter une histoire improbable. Alors que le cinéma indépendant américain vit justement de sa prétention au réalisme – contrairement à la machine à rêves hollywoodienne. Même les dialogues de l’ex-stripteaseuse à scandales reconvertie en écrivaine la plus hype de Hollywood, Diablo Cody, ne peuvent rien changer au fait que le discours sous-jacent de ce film est fondamentalement conservateur et même ultra-réactionnaire. Puis, cette histoire improbable se confond parfaitement avec les revendications des chrétiens les plus fanatiques : la vie par-dessus tout sans égard aux conséquences, ni de respect pour des décisions éventuelles. La seule chose qui peut éventuellement calmer le spectateur est le fait que des filles comme Juno, ça n’existe qu’au cinéma.

« Juno », à l’Utopia


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