« Apprenez le luxembourgeois ! » expliquent les textes de loi rédigés … en français. La politique d’immigration luxembourgeoise n’est qu’une grande contradiction.
« Si un étranger veut vivre en France, il doit bien parler français. Ils ne vont pas lui répondre en espagnol ! ». Ce genre de phrase est l’argument supposé massue de nombre d’adeptes de l’apprentissage du luxembourgeois par les candidats étrangers à l’obtention du passeport frappé du lion
rouge. Oui mais voilà, chers compatriotes, nous vous réservons un scoop qui fera longtemps parler de lui : la France, ce n’est pas le Luxembourg. Et tenez-vous bien : cela vaut également pour l’Allemagne, et pour bien d’autres pays encore.
Non, chers lecteurs, nous n’essayons pas de vous mener en bateau, mais tentons de relever une de ces incohérences propres aux récents débats autour de la politique d’immigration grand-ducale. Avec la réforme de la loi sur les naturalisations, certains milieux nous serinent avec la supposée nécessité de devoir impérativement maîtriser l’idiome national. La maîtrise du français ou de l’allemand, les deux autres langues administratives, ne suffirait plus. Le hic : ce qui nous différencie de bien d’autres pays, c’est que le luxembourgeois n’est qu’une langue parmi d’autres parlées dans ce pays. L’on peut y vivre sans le parler pour la simple et bonne raison que les Luxembourgeois eux-mêmes sont polyglottes. En quelle langue sommes-nous alphabétisés ? En allemand. En quelles langues dispense-t-on les cours à l’école ? En allemand et en français. Et si cet article n’était pas rédigé en français, il l’aurait été en allemand. Pas en luxembourgeois, pourtant langue véhiculaire de la rédaction et de la majorité de nos lecteurs.
Certes, parler et comprendre le luxembourgeois est toujours un avantage, mais loin d’être indispensable. Celles et ceux d’entre nous, détenteurs du précieux passeport et locuteurs franciques que cela chagrine, ne devons nous en prendre qu’à nous-même. Si le luxembourgeois était si indispensable, s’il était impossible de « s’intégrer » correctement sans le parler, gageons qu’au bout de quelques mois ou de quelques années, les immigré-e-s, sous peine de rester cloisonnés au sein de leur propre communauté, s’y mettraient naturellement. Comme les Chinois en France ou les Grecs en Allemagne. Le plus absurde reste que les premiers à avoir déprécié la langue luxembourgeoise ont été les Luxembourgeois eux-mêmes.
Autre incohérence : les contradictions entre certains projets émanant du ministère de la famille (CSV) et les refoulements pratiqués par le ministère de l’immigration (LSAP). Alors que la ministre de l’intégration Marie-Josée Jacobs présente, comme cette semaine, des projets européens qui débloquent quelques millions d’euros dans des projets d’intégration culturelle des citoyens non-communautaires, les services de Nicolas Schmit refoulent une demi-douzaine de Nigérians vers leur pays. Qu’ils se soient « intégrés » ou pas ne joue aucun rôle.
Ces contradictions sont les conséquences d’une politique européenne d’immigration utilitariste (après le colonialisme qui pillait les ressources, l’Europe pratique le néo-colonialisme pilleur de matière grise) et la volonté de calmer certaines mauvaises consciences en initiant des projets d’aide à l’intégration. Il semble donc que nous n’ayons toujours pas compris que notre vieux continent vieillissant devrait être la nouvelle Amérique, terre d’immigration.