STEPHANE GIUSTI: Italians do it worse

« Made in Italy » se veut une comédie légère. Le problème, c’est que l’Italie contemporaine est tout sauf drôle.

Symptôme de l’Italie contemporaine: les déchets télévisés.

« La seule chose que ni la mafia, ni la politique n’ont réussi à pervertir, c’est la pizza : un peu de blé, de l’eau, des tomates et du jambon, ça suffit ».

Ce qu’explique un ami au protagoniste principal du film – un écrivain franco-italien, de retour dans sa ville natale de Turin, pour enterrer son père – est symptomatique de l’Italie de nos jours. Luca, joué par un Gibert Melki enthousiaste et fragile en même temps, ne se retrouve pas dans ce pays qu’il a quitté à l’âge de dix ans. En France, il passe pour un écrivain italien alors qu’en réalité ses liens avec ses origines sont rompus depuis longtemps. Dès le début, il se présente comme un déraciné des temps modernes : quelqu’un qui ne s’identifie ni à ses origines, ni à son pays d’accueil.

Lorsque son père – un chirurgien esthétique possédant sa clinique privée, mais couvert de dettes – meurt pendant un match de football de la Juventus Turin, Luca et sa soeur Isabella doivent accompagner leur mère, qui ne s’était plus rendue en Italie depuis le divorce, à l’enterrement. Sur place attendent les autres ex-femmes du défunt, qui semble avoir été un coureur de jupons de première classe et qui a parcouru toutes les strates de l’histoire et de la société italiennes. Antonio, le père, est stylisé en sur-homme, macho au grand coeur, un type comme on en fait plus. Celle qui a succédé à la mère de Luca et Isabella, a été une membre des brigades rouges, la suivante top-model et puis, une starlette de la télé berlusconienne : débile, sentimentale mais pourvue d’une histoire qui la rend humaine. La scène où elle raconte à Luca que son père a été le seul à la respecter et qu’elle n’avait accepté tous ces boulots seulement pour s’en sortir de sa situation miséreuse d’enfant né dans le Sud de l’Italie, est une des clés pour comprendre la particularité de la situation italienne. « Je voulais devenir la prochaine Sophia Loren », explique-t-elle. Le problème est que les temps de la Cinecittà sont révolus et qu’elle a été remplacée par une industrie télévisuelle des plus débiles.

Mais sur beaucoup d’autres points aussi, Luca doit constater que « son » pays n’est pas celui qu’il voit de l’étranger. Une scène totalement hilarante, où un collaborateur de son père fait défiler de riches mégères opérées par son père, lui sert de prétexte pour se demander où sont passés les Fellini, les Pavese et autres Pasolini. Qu’une des dames se demande sérieusement qui sont ces personnes dont parle le fils de celui qui lui a rendu sa jeunesse, prouve une fois de plus que la mort spirituelle de l’Italie est imminente. Le point fort de ce film est qu’il montre de nouveaux clichés italiens. Finis, le romantisme à la sauce bolognaise, les canzone amoureuses poussés par des gondolieri et les gelati au coucher du soleil dans la baie de Rimini. Place aux hommes d’affaires qui ne paient pas d’impôts pour se financer leur train de vie, aux femmes écervelées qui ne s’intéressent qu’aux feuilletons télévisés et à leur prochaine liposuccion et aux jeunes qui ont perdu toutes les illusions.

Le seul hic de « Made in Italy » est que le reste du film reste plutôt anodin. Une petite comédie avec un happy-end. La soeur Isabella devient enfin une vraie et belle femme parce qu’elle réussit à se débarasser des complexes inoculés par un père absent, les ex-femmes et amantes qui fraternisent devant le cercueil après s’être combattues et puis Luca trouve enfin son grand amour. C’est d’autant plus dommage que l’idée de départ aurait permis au réalisateur d’aller plus loin encore.

« Made in Italy », à l’Utopia.


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