JEAN-FRANCOIS RICHET: Le rebelle sans cause

Suite de « L’Instinct de mort », qui racontait les débuts de la carrière de bandit de Jacques Mesrine, « L’Ennemi public n. 1 » dépeint la déraison des dernières années et sa fin inéluctable. Dernier acte de la tragédie.

La maturité d’un grand fauve : Jacques Mesrine, incarné par Vincent Cassel.

« Mésse-rine Jâaques » dit le policier à voix haute, tandis qu’il commence à taper son rapport. « Oh, la dactylo-là », s’emporte alors le prévenu, sans aucune indulgence pour les rondeurs de l’accent méridional de l’officier, « on dit pas Messerine, on dit Mérine ! Comme tu dirais Miroménil, pas Miromessenile. » La scène sur laquelle s’ouvre le deuxième volet de la saga consacrée au bandit légendaire, « L’Ennemi public n. 1 », se situe au début de l’année 1973. Mesrine vient d’être capturé. Une grosse prise, car ses turpitudes canadiennes, puis une suite de braquages spectaculaires en région parisienne ont fait de lui une célébrité. Et comme toute célébrité qui se respecte, il veille à ce que l’on n’écorche pas son nom.

Dans « L’instinct de mort », sorti il y a près d’un mois, Jean-François Richet nous montrait la jeunesse de l’homme qui sera abattu par la police le 2 novembre 1979, à la porte de Clignancourt. Dans cette deuxième partie, on le retrouve, d’hold up en évasion, papillonnant autour des objectifs, se cherchant une cause, minaudant, cavalant, s’épuisant, vieillissant. Somme toute, la structure classique de la tragédie : à l’hybris, la démesure, succède la nemesis, l’inéluctable destruction.

Tout comme dans le premier volet, le réalisateur français adopte le parti-pris de l’action par une mise en scène à l’américaine. Dans un souci d’efficacité, bien sûr, cherchant certes à attirer le public le plus large possible, mais également parce que c’est à travers celle-ci, plutôt qu’à travers de vains réquisitoires le présentant comme un tueur sanguinaire ou les plaidoyers, voyant en lui une sorte de Robin des Bois, qu’il est le plus juste de raconter ce grand fauve que fut Jacques Mesrine. La flamboyante composition de Vincent Cassel illustre d’ailleurs magistralement la lente transformation du félin débordant de vitalité en un vieux lion empâté et bouffi d’orgueil.

Comme le montre le film, la chute de Mesrine commence dès le moment où, prenant goût à l’exposition médiatique, il va s’écarter de l’action comme fin en soi pour se mettre en scène et même tenter de se donner une dimension politique. Son isolement en Quartier de Haute Sécurité, la haine accumulée contre les institutions puis sa rencontre avec Charlie Bauer, l’amènent à se présenter comme un révolutionnaire. Un affect dans l’air du temps au moment où sévissent les Brigades Rouges et la Bande à Baader. Ses compagnons commencent alors à s’éloigner de lui, comme François Besse (interprété par un très sombre et très glaçant Matthieu Amalric) qui tente de lui rappeler la très prosaïque réalité de leur Milieu : « Moi je ne cherche pas à changer le système. Je veux qu’il reste ce qu’il est pour pouvoir le rançonner. »

« L’ennemi public n1 », à l’Utopolis


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