DOM/TOM: Si loin, si proche

Grève générale depuis plus d’un mois, un mort dans les émeutes – le tout chez nos voisins français et largement ignoré par les médias.

L’ignorance – voire l’arrogance – avec laquelle la France métropolitaine traite ses DOM et ses TOM révèle que l’Hexagone n’a toujours pas su se défaire de certains réflèxes nauséabonds datant du colonialisme. Ce qui se passe en ce moment en Guadeloupe en est symptomatique – tout comme l’histoire de cette île qui de colonie devint un département.

Un petit regard en arrière : longtemps considéré comme une simple fabrique de sucre de canne et de tabac à très bas prix – la population de l’île est majoritairement constituée de descendendant-e-s d’ancien-ne-s esclaves – elle tomba peu à peu aux oubliettes, après la disparition définitive de l’esclavagisme.

Pourtant, cela ne veut pas dire qu’il ne s’y est jamais rien passé. Car, la situation en Guadeloupe est totalement schizophrène : d’une part, elle fait partie intégrante de la France et donc de l’Union européenne, de l’autre, la situation de beaucoup d’habitant-e-s de l’île est plus proche de celle d’un pays du Tiers Monde. Pour illustrer cette ignorance de la question guadeloupéenne, citons cette enseignante de l’île qui s’est plainte sur un forum de ce que ses élèves ne savaient pas du tout ce qui s’est passé en mai 67. « Mais, c’est mai 68, dont vous parlez », scandaient-ils. Pourtant, mai 67 fut un mois sanglant pour l’île : entre 80 et 200 morts – la métropole n’a concédé ces chiffres que 20 ans plus tard – furent victimes des pires émeutes raciales possibles et servaient de prétexte à Paris pour étouffer toute tentative d’indépendantisme.

En janvier 2009, la situation est pourtant très différente. « Nous ne voulons pas l’indépendance », ne cesse de répéter Elie Domota, le leader du « mouvement contre la surexploitation» ou « Liyannaj kont pwofitasyon » (LKP) en créole, à l’origine de la grève générale. Et il a triplement raison : primo, les Guadeloupé-enne-s rejettent cette idée en masse (85 pour cent dans les sondages), deuxio parce que certains cercles en profiteraient immédiatement pour discréditer son mouvement. Troisième point essentiel : cette grève générale est économique avant tout. Voilà ce qui devrait faire peur. Même si la situation est différente aux Antilles : le coût de la vie est particulièrement haut, à cause du fait qu’il faut importer la majorité des denrées, qui sont ensuite surtaxées par les grands distributeurs – la Guadeloupe possède en effet le plus grand hyper Carrefour d’Europe, c’est dire. C’est cette « vie chère » qui a enflammé la Guadeloupe et risque d’embraser ses DOM et TOM voisins. Et le LKP est loin d’être isolé. Selon Domota il comporterait même des encartés de l’UMP sarkozienne. Une autre raison bien patente du mécontement populaire est même déploré par Yves Jégo, la marionnette présidentielle déléguée à l’outre-mer : la majorité des hauts postes dans l’administration – et faute de grandes industries la Guadeloupe compte énormément de fonctionnaires – sont blancs. Alors qu’ils ne forment que 5 pour cent de la population de l’île. Le racisme institutionnel ne pourrait pas trouver une meilleure illustration.

Que retenir donc de ces « événements » de la Guadeloupe ? Premièrement que Sarko est un nul et un prétentieux de surcroît : au lieu de « refonder » le capitalisme, il doit faire évacuer d’urgence des touristes d’une île appartenant au territoire français, comme s’il s’agissait d’un vulgaire pays du Tiers Monde. De plus, il a fait part d’un grand mutisme avant de daigner prendre le dossier en main. Deuxième leçon : ne pas ignorer ce qui se passe là-bas. Car la situation guadeloupéenne n’est pas si étrangère à la nôtre et la gestion de la crise par Paris ne laisse rien présager de bon.


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