ALTERNATIV DEMOKRATESCH REFORMPARTEI: L’alternative nationaliste

Une communication moderne, des têtes jeunes et nouvelles. Le ravalement de façade de l’ADR en fait un parti à droite de la droite efficace.

Un visage sympathique teint des couleurs nationales : malgré son look plus sexy, l’ADR surfe résolument sur les classiques du nationalisme luxembourgeois.

« Nous avons décidé de remporter ces élections », déclarait Robert Mehlen, président de l’Alternativ Demokratesch Reformpartei (ADR), lors du pot de nouvel an de son parti début janvier. Selon les dires de l’attaché de presse, 300 personnes s’étaient rassemblées lors de cet événement dans un café « cool » des Rives de Clausen, le Disneyland pour les ados et les adultes qui le sont restés. Il n’est pas si étonnant que le parti des patriotes autoproclamés puisse se retrouver dans ce massacre urbanistique de l’un des plus beaux coins de la capitale. Après tout, l’ADR est à la vie politique ce que les Rives sont à la vie nocturne : une opportunité de surfer sur les penchants les plus désagréables de la société luxembourgeoise actuelle.

L’ADR est conscient de la symbolique d’un tel endroit. Depuis des années, l’ancien parti des retraités peine à dépoussiérer son image fleurant la naphtaline. Et il est sur le point de gagner son pari. Si certaines analyses superficielles enterraient l’ADR suite à sa perte de deux sièges en 2004, aux échecs relatifs aux communales de 2005 et à la défection du député Aly Jaerling, réduisant ainsi le nombre de députés ADR de cinq à quatre et lui faisant perdre son statut de fraction parlementaire avec les attributions qui vont avec, c’était aller un peu vite en besogne.

Les dernières élections législatives ont certainement constitué un climax phénoménal du CSV et de sa figure tutélaire Jean-Claude Juncker. Premières élections au Luxembourg depuis les attentats du 11 septembre 2001, elles se sont déroulées dans un contexte général de désir de stabilité et de sécurité dans un monde où le contraire commençait à se concrétiser. Avec son slogan « De séchere Wee » et un chef de file à l’apogée de sa gloire, la campagne du CSV contribua au tassement de l’électorat ADR.

Entre-temps, le contexte international a, malgré la petite euphorie passagère de l’Obamania, clairement gagné en tension. La crise financière, après avoir donné le coup de grâce à l’hégémonie culturelle du néolibéralisme, commence désormais à affecter directement l’économie nationale. Le Luxembourg n’est pas épargné par les répercussions sociales de la crise. Il est encore difficile d’en prévoir les conséquences politiques, et plusieurs scénarios sont envisageables : front commun autour des « valeurs sûres » que constituent les partis gouvernementaux, le CSV en tête ou, au contraire, sanction de ces derniers, assimilés à la débâcle financière avec renforcement des partis d’opposition. Et il s’agit également de savoir si, globalement, la crise réveillera des réflexes conservateurs, voire réactionnaires, ou si le discrédit du capitalisme servira plutôt les partis qui s’y sont montrés les plus hostiles. Finalement, au train où vont les choses, il est plus difficile que jamais d’imaginer le contexte socio-économique du pays et du monde le 7 juin prochain, journée électorale.

Le phénix politique

La mue de l’ADR ne date pas d’hier. Les secousses auxquelles le parti a été confronté à l’issue des échéances électorales de 2004 et 2005 ne l’ont pas achevé. Au contraire : il faut reconnaître une certaine réactivité aux post-pensionnés. Paradoxalement, ils doivent une fière chandelle à leur ancien collègue de parti, Aly Jaerling, qui tentera cette fois-ci sur des listes indépendantes, auxquelles sa personne tient lieu de programme, de leur grignoter quelques voix au risque de connaître le même sort qu’un Jup Weber. Jaerling avait en effet contraint l’ADR, contre la volonté du président de fraction Gast Gibéryen, de se prononcer contre le traité constitutionnel européen en vue du référendum de 2005. Cela permit à l’ADR de peaufiner son profil contestataire, et par-là même de recruter un nouveau cadre, l’avocat d’affaires Roy Reding, protagoniste du « Non » et depuis secrétaire général du parti. Finalement, avec le ralliement de Fernand Kartheiser, secrétaire l’« Association des hommes » et diplomate de carrière, l’ADR touche non seulement les machos frustrés, mais finalise également son rapprochement logique bien qu’étonnant avec la fonction publique, vivier d’électeurs potentiels, déjà entamé en 2006 (voir woxx 843).

Mais c’est surtout au niveau de la communication que l’ADR s’est doté assez précocement d’outils efficaces et « jeunes ». Avec le recrutement des anciens journalistes Alain Frast (DNR et RTL Radio) et Alain Kleeblatt (Le Républicain Lorrain et Le Quotidien), le parti s’est lancé en premier dans le champ de la propagande audiovisuelle. Grâce aux divers outils désormais à disposition (Dok.tv et Internet), l’ADR s’est forgé de nouvelles tribunes d’expression qu’il peut contrôler.

Et depuis la fin mars, le site internet de l’ADR est devenu une fourmillière audiovisuelle. Postés comme il se doit sur « youtube », les vidéos proposent, à côté des « talkshows » faits maison où Frast interroge, le plus souvent autour d’une table de bistrot, des cadres du parti ou des invité-e-s sur une thématique spécifique, les conférences de presse filmées, ainsi que les principaux discours prononcés lors de leurs récents congrès. Finalement, un certain nombre de vidéos présentant leurs candidat-e-s sont également en ligne. L’on y retrouve pêle-mêle un Nico Schonkert, tranchant avec vigueur un morceau de bois à l’aide de sa hache, ce qui crée une situation involontairement comique, un Roy Reding s’exprimant doctement dans son étude, avec les indispensables livres reliés en arrière-plan, ce qui doit certainement lui conférer un air d‘ « homme d’Etat », mais également Esther Bauer, jeune candidate télégénique de 18 ans, supposée apporter au parti une touche rafraîchissante. Evidemment, toutes et tous les candidat-e-s ainsi filmés ne sont pas également à l’aise devant la caméra, ce qui pourrait paradoxalement conforter l’image « populaire » du parti. Pour terminer, l’on peut également visionner le fameux clip aux allures futuristes vantant les mérites d’un métro dans la capitale en lieu et place d’un tram qu’ils continuent à combattre.

Malgré ces efforts de moderniser son image et de la rendre plus sympathique, tel le blog d’Alain Frast où il affiche ouvertement son homosexualité (ce qui en fait un des premiers hommes ou femmes politiques luxembourgeois-e-s à faire un coming-out) ainsi que sa foi chrétienne, l’ADR ne peut cacher ses soubassements idéologiques.

Affilié à l’Union pour l’Europe des Nations (UEN), le groupe d’extrême droite au parlement européen, l’ADR s’est clairement positionné. Et l’invitation, à leur dernier congrès européen, d’Eugenio Preta, vice-secrétaire général du groupe et membre d’Alleanza Nazionale, le parti post-fasciste italien de Gianfranco Fini, récemment dissous au sein du Partito della Libertà de Berlusconi, en a même ému certains sous nos latitudes. Ainsi, dans une lettre ouverte envoyée cette semaine à la presse, le conseiller d’Etat socialiste et candidat aux européennes René Kollwelter, s’émeut des affinités de l’ADR avec les héritiers des chemises noires, au point de déclarer au président de l’ADR que dorénavant il sera contraint de l’appeler « Robert Mussolini ».

Comme tous les partis flirtant avec l’extrême droite, l’ADR se défend de toute accusation allant dans ce sens. Un commentaire du journaliste Nico Graf sur RTL Radio faisant le même rapprochement avait d’ailleurs irrité les caciques de l’ADR. Il n’empêche : le positionnement de l’ADR rend certains « dérapages » inévitables. Tel celui d’un des administrateurs de la page « Facebook » de l’ADR, un certain Dan Schmitz, qui, selon nos renseignements, n’hésite pas à menacer par courrier électronique de jeunes militants de la gauche radicale, et qui, selon le journal satirique « Den neie Feierkrop », traite les étrangers de « Dreck » et de « Kanacken », tout en se vantant d’avoir lu récemment « Mein Kampf ».

Les cadres de l’ADR ont beau vouloir prendre leurs distances par rapport à l’extrême droite : celui qui se fait le héraut de l’« identité » et de la langue luxembourgeoise emploie les matrices intellectuelles fondamentales et historiques de l’extrême droite luxembourgeoise. Et une communication léchée ainsi qu’une image rajeunie ne constituent pas un gage de progressisme.


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