Dans « Che – 2e partie : guérilla », le réalisateur américain Steven Soderbergh raconte la fin d’Ernesto Guevara. Un film qui, à force de coller aux événements, s’enfonce dans la lourdeur et l’ennui.
A la fin de l’épisode précédent, Steven Soderbergh avait abandonné Ernesto Che Guevara au bord de la route, celle qui devait mener le révolutionnaire argentin à la Havane, au pouvoir et à l’accomplissement de ce qui fut probablement la révolution la plus populaire de la deuxième moitié du 20e siècle. Dans le second volet de son diptyque consacré au Che, le réalisateur américain saute presque une décennie, pour reprendre le récit au dernier chapitre. Après le salut par les armes, voici le calvaire bolivien.
En 1966 Guevara débarque à La Paz, grimé en homme d’affaires uruguayen chauve et bedonnant. Son plan est d’organiser une guérilla sur le modèle cubain dans une région reculée de Bolivie, à l’époque tout comme aujourd’hui, l’un des pays les plus inégalitaires au monde. Mais l’aventure tourne rapidement au désastre. A l’heure de la « coexistence pacifique », les communistes locaux refusent de se joindre au petit groupe réuni autour du Che. Bientôt repérés et pourchassés par des troupes spécialement formées par la CIA, ne pouvant compter sur une population pour le moins méfiante, privés de moyens de communiquer avec l’extérieur, les guérilléros vont brûler leurs forces dans une lutte absolument vaine. Le 8 octobre 1967 le Che est finalement capturé. Il est exécuté le lendemain sur ordre du président Barrientos.
Le parti-pris scénaristique de Steven Soderbergh a été vivement critiqué. Il lui a été reproché d’avoir trop aisément fait l’impasse sur les faits moins glorieux reprochés au frère d’armes de Fidel Castro. En premier lieu les condamnations à mort qu’il réclama en tant que procureur suprême de la révolution et la gabegie économique dont il fut l’architecte en sa qualité de ministre de l’Industrie. L’on peut ajouter que sans réflexion sur cette période il est assez difficile de comprendre le personnage historique. Comment croire que l’ancien dignitaire qui décide de reprendre le maquis est le même homme que le jeune médecin idéaliste partant, quelques années plus tôt, pour la Sierra Maestra ?
Dans la première partie Soderbergh avait entrecoupé l’épopée révolutionnaire cubaine de scènes en noir et blanc retraçant la visite du Che à New York en décembre 1964 et son discours devant l’assemblée générale des Nations Unies. Pour banal qu’il était, ce procédé avait au moins l’avantage d’aborder les idées d’Ernesto Guevara. Ici, rien n’est éclairé. Les différentes stations du chemin de croix du Che, s’étalant sur plus de deux heures, sont sensées se suffire à elles-mêmes. Mais cela ne marche pas, car Soderbergh n’assume pas son sujet.
On le sent figé devant un personnage qui ne peut appeler que des réactions extrêmes d’adhésion ou de rejet. Mais ne voulant tomber dans le piège de l’hagiographie – car l’on sent malgré tout poindre l’admiration -, il se replie sur la neutralité d’une narration qui, à force de naturalisme et d’exactitude historique, devient tout aussi aride que les paysages dans lesquels se meurt l’éphémère révolution bolivienne. Mais ce qui est peut-être le plus impardonnable, c’est que ce film ait une vertu si profondément réactionnaire. Car après plus de deux heures à ce régime l’on en viendrait presque à être soulagé que le Che se rende enfin à ses tortionnaires.
« Che – 2e partie – Guerilla » à l’Utopia.