J. J. ABRAMS: Vers l’infini et au-delà

« Star Trek » est de retour sur grand écran. L’immortelle série des années 1960 en est à sa dixième adaptation. Cette fois-ci J. J. Abrams a souhaité revenir aux sources.

Tout refait chez « Star Trek ».

En l’an 2.233, l’USS Kelvin, avec son équipage très beau et très gentil (ce sont les Gentils) est attaqué par un gigantesque vaisseau inconnu, piloté par des êtres très laids et très méchants (ce sont les Méchants). Son bâtiment étant rapidement mis hors de combat, le capitaine est contraint de se rendre sur la passerelle des assaillants où il est traîtreusement assassiné. Son second, Georges Kirk, ordonne alors l’évacuation de tous les passagers, y compris celle de sa jeune femme enceinte. Pour couvrir leur fuite, il ne voit qu’une seule solution : se faire exploser avec son aéronef contre le bâtiment ennemi. Avant de se sacrifier il a tout juste le temps de choisir avec son épouse éplorée le prénom du fils qu’elle porte. Contrairement à ce que pourrait laisser supposer la nature de l’acte de bravoure de son père, le garçon ne se nommera pas Oussama mais Jim. Vingt ans plus tard, le turbulent Jim Kirk est remarqué par le capitaine Pike, de la flotte interplanétaire.

Plus de quarante années terrestres se sont écoulées depuis la diffusion de la première série. Neuf adaptations pour le grand écran furent produites depuis 1979. En 2009 sort la dixième, sobrement intitulée « Star Trek ». L’industrie du rêve aime miser sur les valeurs refuge et ne se lasse pas de dépoussiérer les figures héroïques du Walhalla culturel américain. Dans le cas présent, J. J. Abrams, qui produit et réalise le film, a décidé de recourir à une recette éprouvée par les récentes adaptations de « Spiderman » et de « Batman ». Sous couvert de revenir aux origines, il a choisi de nous raconter le premier voyage de l’« Enterprise » et la rencontre initiale de l’un des couples les plus mythiques de la science-fiction cathodique, M. Spock et le capitaine Kirk. Après tout, rien ne se crée et surtout, rien ne se perd. L’on a même droit à une apparition de Leonard Nimoy, le Vulcain le plus célèbre sur Terre.

Les avantages de cette formule sont connus. L’on aiguise l’intérêt des millions d’inconditionnels qui viendront, quoi qu’il arrive, et la curiosité de tous ces jeunes qui n’ont pas eu l’honneur de connaître la genèse du mythe. Cela permet aussi de ne pas s’encombrer d’un scénario trop travaillé. Celui-ci est aussi alambiqué que médiocre, un peu comme ces balustrades inutilement pompeuses en fer forgé, dont les arabesques compliquées n’enserrent que du vent. Une vacuité que ne parviennent à combler ni des effets spéciaux d’une platitude affligeante, ni la brochette de jeunes premiers, dont le seul critère de sélection semble résider dans une plastique qui n’aurait pas dépareillé dans le statuaire du fameux sculpteur de kitsch nazi Arno Breker.

Cette dernière référence n’est pas choisie innocemment: l’on ne peut qu’émettre des réserves quant au postulat qui sous-tend la maigre intrigue et selon lequel il y aurait une sorte de légitimité héréditaire à commander. Ce qui, avouons-le, serait aussi ridicule que d’affirmer qu’un incapable notoire pourrait être hissé à la tête de la première puissance du monde sous prétexte que son père avait déjà précédemment assumé la charge. Ce message est d’autant plus décevant que la première série de « Star Trek » avait au moins eu le mérite de bousculer les préjugés de l’Amérique des années 1960. On y vit pour la première fois des femmes assumer des postes à responsabilité, dont une femme noire. Dans l’équipage de l’« Enterprise » figuraient également un Asiatique et, en pleine guerre froide, un Russe nommé Chekov – c’est d’ailleurs ainsi que des millions de jeunes téléspectateurs ont découvert que Chekov fut un pionnier de la téléportation.

Les anarcho-bruitistes allemands des Einstürzende Neubauten chantaient que deux choses étaient infinies, la connerie et l’espace. Autant dire que le nouveau « Star Trek » est un véritable bond dans l’incommensurable.

A l`Utopolis et au CinéBelval


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