CHERIEN DABIS: Le pays de toutes les discriminations

Encore un film qui met en scène la difficile conciliation entre le monde arabe et le nouveau monde : « Amreeka » mise sur des recettes connues.

Mouna et Fadi sont un peu plus que mère et fils : ils sont une équipe, une petite légion qui doit se battre contre les mille et une difficultés qu’ils rencontrent dans leur quotidien d’habitants de Bethléhem – surtout si on vit du mauvais côté du mur de séparation. D’abord, il y a les humiliations lors du passage quotidien des checkpoints, les habitants mettent deux heures pour un trajet qui leur prendrait 15 minutes, sans les soldats. La peur et la conviction que sans les soldats israéliens, on vivrait mieux sur ces terres qui suintent l’histoire avec un grand « H » en rajoutent au mal de vivre. Et puis, il y a encore les petits soucis quotidiens, le père de Fadi qui vient de les quitter pour une femme plus jeune et surtout le manque de perspectives que ressent Fadi – un jeune de 16 ans – qui pèse comme un lourd fardeau sur sa vie. En effet, comment rêver d’un meilleur futur quand votre quotidien vous condamne à vivre à la petite semaine ?

Mais le sort des deux va changer, quand ils reçoivent une lettre que Mouna n’attendait plus. Il y a une bonne dizaine d’années, elle s’était inscrite dans un programme d’obtention de green card – ce petit document dont rêvent des millions de personnes dans le monde entier et qui permet l’entrée aux Etats-Unis, ainsi que le droit d’y chercher un travail. Maintenant, ces fameux documents viennent de leur tomber dessus, comme un petit cadeau du ciel. La décision de quitter Bethléhem est vite prise, d’autant plus que la soeur de Mouna vit avec son mari et ses trois filles dans l’Illinois. Ce n’est que là qu’ils se rendent compte que les USA ne sont tout de même pas le pays où coulent le lait et le miel. Mouna, en tant que femme forte et emancipée, doit se rabattre à nettoyer dans un burger restaurant, même si elle est forte de 20 années d’expérience dans une banque. Et Fadi, malgré ses résultats scolaires excellents, se retrouve au centre d’un tourbillon de ressentiments et de racisme, le tout dans un climat d’ébullition politique plutôt orageux – le film se déroule en 2003, au moment où les troupes américaines remportent leur victoire plus que prévisible sur Saddam Hussein, leur ancien allié. Les jeunes de son lycée ne font pas la différence entre Palestinien et Irakien et ainsi Fadi devient la cible de toutes les peurs et sentiments de supériorités dont sont chargés les teenagers américains. Les discussions dans la salle de classe sont une rare opportunité de se faire une idée de la bataille idéologique qui tenaille le pays encore et toujours.

A part de donner une autre version des dissensions et rapprochements possibles entre la culture américaine et arabe, le film ne fait pas grand chose et se perd malheureusement sans vraie conclusion. Peut-être est-ce dû au fait que la réalisatrice Cherien Dabis, aussi d’origine palestinienne, vient de la télévision où elle a dirigé des séries, notamment « L-World », qui mettait en scène l’univers lesbien sur une note comique et désinvolte. Cette superficialité – typique des séries américaines – se retrouve aussi dans « Amreeka » et c’est un peu dommage. D’un autre côté, le film est clairement autobiographique, est c’est un peu difficile de mettre une fin à un tel scénario avant de mourir?

Aspect négatif supplémentaire, qu’il partage avec le film « Towelhead » (voir woxx 1018), est que les immigrés ne sont pas musulmans, mais chrétiens. Un peu comme si la culture américaine ne pouvait pas s’accomoder de musulmans, un peu comme si elle disait : « Les Arabes oui, mais des chrétiens s’il-vous-plaît ». C’est d’autant plus honteux qu’aucun des deux films ne mise vraiment sur la composante religieuse.

En bref, « Amreeka » est un film agréable, intéressant et surtout pionnier dans un genre qui sera sûrement surexploité bientôt.

« Amreeka », à l’Utopia.


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