Le premier tour des élections régionales en France ne se résume pas à une défaite du sarkozisme. Pour la gauche de la gauche, il soulève des questions et ouvre de nouvelles voies.
La mauvaise foi de la droite française n’y changera rien : l’UMP de Sarkozy s’est pris une raclée historique et méritée lors du premier tour des élections régionales dimanche dernier.
Evidemment, l’on peut relativiser le score des différentes listes de gauche, face à une abstention record. Mais l’avantage des modes de scrutin où le droit de vote n’est pas une obligation, réside dans leur fonction de « thermomètre » de la santé d’un régime politique. L’on peut se désoler du taux d’abstention, mais l’on ne peut se voiler la face. L’abstention n’est pas uniquement due à la méconnaissance ou l’indifférence des citoyen-ne-s français-es envers leurs régions. Non seulement une partie de l’électorat du président – face à la dégradation généralisée de la situation sociale dont celui-ci est directement responsable – lui a fait faux bond par déception, mais une partie de la droite plus traditionnelle est également dégoûtée par la vulgarité de ce simili-Bonaparte.
Les électeurs de gauche ont tout autant de raisons de se lasser : le PS a lui aussi gouverné la France, allié aux Verts et aux communistes (PCF), sans pour autant « changer la vie » comme l’avait promis jadis Mitterrand. Les citoyen-ne-s sont moins politiquement apathiques que certains ne le pensent. Ils sont surtout allergiques à la trahison, et avec raison.
Si sanctionner la droite est une chose, construire une force de gauche authentique en est une autre. Et ces élections apportent un nouvel éclairage sur les rapports de force au sein de la gauche française. Si le PS est sorti vainqueur, il le doit probablement plus à la politique de Sarkozy qu’à lui-même. Les écologistes quant à eux semblent constituer une alternative au PS aux yeux de l’électorat de centre-gauche lassé par un PS vieilli et sourd aux exigences de l’écologie politique.
Mais le rapport de force est encore plus intéressant du côté de la « gauche de la gauche ». Depuis la constitution du Parti de gauche (PG) autour des deux anciens cadres socialistes Jean-Luc Mélenchon et Marc Dolez, le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) voit émerger une concurrence que même le charisme d’Olivier Besancenot n’a su freiner. Le NPA ne peut passer à côté d’une autocritique. Son sectarisme paie-t-il ? Certes, l’on peut comprendre que l’unification des forces de gauche ne lui suffise pas comme programme politique et qu’il aspire à établir d’abord des bases communes. Le NPA n’a pas non plus tort de se méfier d’alliances avec le PS, comme elles sont en train de voir le jour pour le second tour avec le Front de gauche (qui comprend, entre autres, le PG et le parti communiste), si celles-ci débouchent sur une continuation des politiques sociales-libérales.
De l’autre côté, il existe en France une véritable opportunité pour créer une nouvelle forme d’organisation authentiquement à gauche. La masse critique existe et cette tentative pourrait être saluée par des millions de citoyen-ne-s, de jeunes et de salarié-e-s. De surcroît, l’installation du Front de gauche amène également le PCF, ou en tout cas une bonne partie de ses adhérents et de ses cadres, à réfléchir sur son avenir et à reconsidérer sa position historique alternant stalinisme et alliances inconditionnelles avec la social-démocratie.
L’ouverture du Front de gauche vers le NPA pourrait dessiner un avenir intéressant pour la gauche de la gauche et faire des émules au-delà des frontières de l’Hexagone. Au train où vont les choses, alors que la crise du capitalisme ne s’est probablement pas encore développée dans toute son ampleur, l’histoire commence à mordre la nuque à la gauche.
La France est un grand pays, c’est la cinquième puissance économique mondiale et un des principaux moteurs de l’UE. La conscience politique de ses citoyen-ne-s en fait en quelque sorte l’Amérique latine du continent européen. Une gauche authentique et unitaire à gauche du PS, au-delà de la plus-value qu’elle pourrait apporter aux luttes sociales, constituerait même une alternative électorale crédible : aux présidentielles de 2014, une candidature unique sous ce label aurait toutes les chances de se qualifier pour le second tour et peut-être d’aller au-delà. Cette perspective serait à elle toute seule un salutaire coup de tonnerre politique qui ouvrirait de nouvelles options politiques vraiment à gauche.