FRONTALIERS: Dindons de la farce

Moteurs de l’économie luxembourgeoise, les frontaliers font les frais des mesures d’austérité du gouvernement.

S’ils avaient le droit de vote, gageons que cela se passerait différemment. Il y a déjà un peu plus de deux semaines, l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (Asti) avait lancé un cri scandalisé, en opposant les « discours du dimanche » au sujet des frontaliers et la réalité qui les prive des mêmes droits que les salarié-e-s résident-e-s. D’ailleurs, l’on se souvient de la proposition démagogique de Claude Meisch, tête de liste malheureux des libéraux lors des dernières élections, de supprimer les allocations familiales aux frontaliers. Jean-Claude Juncker s’était alors, à juste titre, montré indigné.

Mais voilà : à l’indignation électorale a fait place l’indigne réalité post-électorale. Et c’est une preuve supplémentaire de l’inutilité du DP : ses pires propositions sont reprises par le CSV.

Les mesures en question contenues dans le plan d’austérité du gouvernement, touchent en fait les frontaliers par ricochet. C’est le cas de l’abaissement de l’âge des enfants pour l’obtention des allocations familiales à 21 ans : avec cette mesure, le gouvernement entend épargner 40 millions d’euros. Afin de faire passer la pilule, il a néanmoins proposé d’introduire une bourse pour les jeunes qui poursuivent leurs études. Or, cette bourse ne sera évidemment pas touchée par les enfants des frontaliers. Cette mesure est d’autant plus choquante que
le Luxembourg a profité pendant des décennies, et continue d’ailleurs de profiter, des infrastructures scolaires belges, françaises ou allemandes, notamment au niveau universitaire.

Par ailleurs, la question se pose de savoir si le gouvernement est conscient que frontaliers ne rime pas forcément avec étranger. Quid en effet des frontaliers luxembourgeois, expatriés au-delà des frontières à cause d’une politique du logement catastrophique ?

Déjà, les frontaliers ont été touchés de plein fouet par l’introduction des chèques services. C’est un des revers de la médaille de la substitution du principe des droits universels par la « sélectivité sociale » : dès le début, il était clair qu’ils en seraient exclus, car les chèques en question restaient réservés aux seuls résidents. D’ailleurs, les syndicats sont en pourparlers permanents avec le ministère de la famille sur ce sujet.

Un des autres problèmes les touchant durement est la réduction prévue de 50 pour cent des primes de déplacement. C’est le serpent qui se mord la queue : les gouvernements successifs ayant négligé systématiquement la réalisation d’un système de transports en commun digne de ce nom, l’actuel gouvernement fait passer à la caisse celles et ceux qui doivent effectuer les plus gros trajets en voiture pour se rendre sur leur lieu de travail.

Ces mesures cumulées peuvent avoir un impact négatif sur le marché du travail luxembourgeois, approvisionné quotidiennement par 150.000 travailleurs frontaliers. L’OGBL ne manque d’ailleurs pas de le remarquer dans un communiqué de presse : « Les salariés ne se laisseront pas diviser. Le principe `à travail égal, salaire et prestations sociales égaux‘ doit être assuré ! Sinon la place économique luxembourgeoise perdra de son attractivité. »

Aux yeux du syndicat, ces mesures contreviendraient au principe européen de la libre circulation des travailleurs et il s’est « adressé au parlement européen et à la commission européenne avec la demande d’examiner leur conformité avec la réglementation européenne ». Parallèlement, l’OGBL planifie ensemble avec les syndicats réunis dans la plate-forme de la Grande-Region des actions communes.

Dans une note, la commission européenne a pour sa part constaté que les frontaliers se trouvent souvent confrontés à divers problèmes, notamment lorsque certains Etats membres justifient la clause de résidence pour l’accès aux avantages sociaux sous prétexte d’aider le travailleur migrant et sa famille à mieux s’intégrer dans l’Etat d’accueil. Or, la Cour européenne a déjà rejeté ces arguments, arguant « qu’aucune condition de résidence ne pourrait être appliquée à l’enfant d’un travailleur frontalier qui bénéficie d’un même droit de scolarité que les enfants ressortissants nationaux du pays d’emploi ». Reste à savoir combien de temps ces subterfuges concoctés par le gouvernement tiendront la route.


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